"House Of The Black Geminus"
Note : 17/20
Vous dormez bien en ce moment ? Pas trop de cauchemars ? Non ? Dommage parce qu'Akhlys va vous pourrir le sommeil avec "House Of The Black Geminus", une nouvelle incantation tout aussi possédée que les précédentes. Toujours à cheval entre un black metal malsain et des parties ambient qui ne le sont pas moins la musique d'Akhlys affiche une personnalité très marquée dans une scène coincée dans les mêmes codes depuis bien longtemps.
On ne perd pas les bonnes habitudes puisque l'album s'ouvre sur "The Mask Of Night-Speaking" qui s'étale déjà sur douze minutes et installe très vite une ambiance oppressante et cauchemardesque. Et quand la brutalité arrive, ça ne plaisante pas non plus, un déluge de blasts nous tombant dessus avant de repartir sur un passage plus lourd et malsain. Une fois de plus, Akhlys ne prend pas de gants et nous malmène que ce soit par l'ambiance mortuaire et malsaine qui baigne sur tout l'album ou la brutalité de multiples explosions de violence savamment placées. Comme toujours, ce projet se démarque du reste des groupes de black metal par cette ambiance totalement flippante, loin du caractère glacial de la seconde vague norvégienne. On ne marche pas non plus dans les pas de la scène qualifiée d'orthodoxe, c'est encore autre chose. Le maître d'œuvre Naas Alcameth développe dans tous ses projets une ambiance particulière, à cheval entre une agressivité débridée et une ambiance occulte. "Maze Of Phobetor" ne calme pas le jeu et nous matraque la tronche dès le début avec là aussi des blasts bien violents et une envie de tout brûler qui s'illustre dans une ambiance pour le coup bien plus apocalyptique. Seul le morceau "Black Geminus" calme un peu le jeu puisque c'est un instrumental plus dark ambient, mais là encore l'ambiance est oppressante et noire au possible. "Sister Silence, Brother Sleep" amène quelques mélodies et une ambiance plus mélancolique mais les blasts très fréquents font que l'accalmie n'est que de courte durée. La musique d'Akhlys est toujours aussi noire et intense, vous ne serez donc pas dépaysés si vous avez déjà plongés dans les méandres scabreux des précédents albums.
Les morceaux sont une fois de plus assez longs et tournent atour des sept ou huit minutes voire plus pour certains. Pas de grosses surprises mais toujours cette personnalité bien marquée, ces ambiances pourvoyeuses de terreurs nocturnes et cette intensité qui rend l'écoute épuisante. On ressort de "House Of The Black Geminus" totalement lessivé, en se demandant où ce projet maudit nous a emmené pendant plus de cinquante minutes. Le groupe a clairement une vision et c'est cette même vision qui donne cette personnalité unique à la musique d'Akhlys et qui la rend très vite reconnaissable. Voilà du black metal qui emprunte évidemment aux codes bien connus mais qui arrive à amener le genre dans une toute autre direction avec des ambiances cauchemardesques que très peu sont capables créer. On sort du malsain glacial et des riffs glauques refaits des milliers de fois par autant de groupes génériques. Ici, c'est plutôt de la plongée sous-marine dans le Styx, ou de la spéléologie au fin fond de la planète, là où personne n'a encore mis les pieds et où personne n'a envie de les mettre. Ou plutôt vu l'attrait affiché pour l'ésotérisme et l'occulte, c'est une plongée au fond de vous-même et de notre inconscient, là où personne n'a envie d'aller non plus d'ailleurs. Et cette descente dans les tréfonds de l'âme est diablement bien rendue en musique, ce "House Of The Black Geminus" étant une fois de plus un monument de noirceur qui va dégouliner de vos enceintes et laisser des traces sur le parquet que vous ne rattraperez jamais. Et comme si cela ne suffisait pas, on sent que le groupe maîtrise de plus en plus son sujet avec le temps, ce qui donne des ambiances de plus en plus puissantes.
Akhlys revient donc avec un album tout aussi noir que ses prédécesseurs et ce black metal ressemble toujours à un cauchemar auditif. On est loin des ambiances glaciales ou simplement malsaines des groupes de black metal classiques. Ici, ça sent l'occulte à plein nez et le groupe va bien plus loin dans les profondeurs. Si vous connaissez déjà, vous pouvez y aller sans hésiter, mais les autres seraient bien avisés de préparer un scaphandre avant de tenter l'écoute.
"Melinoë"
Note : 17/20
Naas Alcameth fait vraiment partie de ces artistes avec un univers propre et qui utilisent de multiples groupes ou projets pour le mettre en forme. Entre Aoratos, Nightbringer, Bestia Arcana et Akhlys, il y a de quoi faire une bonne plongée en apnée dans les abysses ! C'est d'ailleurs Akhlys qui nous occupe aujourd'hui avec son troisième album sorti fin 2020, "Melinoë". Après un "Supplication" entièrement ambiant en 2009, le projet avait opté pour un mélange d'ambiant et de black metal très malsain pour "The Dreaming I" en 2015. C'est bien cette voie que poursuit "Melinoë" et le voyage risque d'être éprouvant une fois de plus.
On garde le même format que pour le précédent album avec cinq morceaux pour quarante-six minutes et plus ou moins la même orientation musicale. "Somniloquy" ouvre l'album avec ses huit minutes et dès les premières secondes Akhlys chosit de nous rentrer dans le lard avec moult blasts et des riffs bien malsains et dissonants. On retrouve très vite le talent de Naas Alcameth pour pondre des ambiances aux allures de cauchemar sonore et le fait que le bougre ne s'attarde pas sur une intro cette fois rend cette entame d'autant plus percutante. La violence brute n'est une fois de plus pas le propos ici même si les blasts ne se prient pas pour se faire entendre, Akhlys préfère plutôt miser sur les ambiances poisseuses, rampantes et malsaines. Tout ici évoque le cauchemar, et le monde dans lequel vous plonge "Melinoë" pendant trois quarts d'heure n'a rien d'accueillant. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant quand on cherche à traduire les titres des morceaux : "Somniloquy" évoque le fait de parler en dormant, "Pnigalion" a un sens proche de cauchemar, "Succubare" signifie se coucher sous quelque chose, "Ephialtes" veut dire cauchemar en grec et "Incubatio" fait référence à un ancien rite divinatoire qui consistait à se coucher dans un sanctuaire dans le but d'avoir des visions prophétiques. Bref, l'ambiance n'est pas anodine et colle parfaitement avec les thèmes abordés. Musicalement, on a l'impression de se retrouver balancé en plein milieu d'une soirée thématique "rituels occultes et sacrifices humains" chez Cthulhu ! Le côté occulte n'est d'ailleurs pas un gimmick non plus et empreint chaque projet du maître d'oeuvre, Nightbringer en tête. Que ce soit au niveau de la musique, des pochettes, des paroles, tout son art est dédié à ça et sa discographie prend des allures de Grand Oeuvre.
Que ce soit la production ou la construction des morceaux, ce nouvel album montre un peu plus de puissance que son prédécesseur et là où "The Dreaming I" se retrouvait à juste titre comme noyé dans un rêve brumeux, ce nouvel album nous apparaît de façon plus claire. En termes de son pur en tout cas parce que pour le reste il est encore plus flippant et noir. Les mélodies sont toujours aussi cauchemardesques, le chant toujours aussi habité et les riffs toujours aussi dissonants, oppressants et malsains. L'ambiance est encore plus menaçante cette fois et les couches de sons qui se multiplient donnent des allures de dédales à "Melinoë". Dans les moments les plus brutaux, on croirait presque entrevoir la folie cauchemardesque des débuts d'Aevangelist en moins bordélique. Tout l'album est drapé dans une noirceur omniprésente qui suinte de tous les pores, se mêlant allègrement à la mort et à la folie et nous donnant à voir les tréfonds de notre inconscient. Akhlys fait une descente aux enfers au sens symbolique du terme, il va fouiller là où personne ne veut aller. En tout cas, même si le bonhomme a son univers et que l'on retrouve sa patte dans ses différents groupes et projets, chacun a sa patte et trouve le moyen d'apporter quelque chose de plus. La preuve que Naas Alcameth accomplit quelque chose de personnel à travers sa musique et que chaque projet a son but et vient accomplir une tache précise sur le chemin. "Melinoë" qui donne son nom à l'album est d'ailleurs une déesse issu de l'orphisme qui est une doctrine qui prétend que l'âme ne peut être sauvée que par l'initation et qu'elle seule lui permettra de rejoindre le divin. Quand je vous dis que l'occulte et l'ésotérisme ne sont pas là pour faire beau ici, je pèse mes mots.
On est bien loin du black metal traditionnel de la vague norvégienne et ce mouvement qui, d'après les pères fondateurs, devait rester immuable à bien bougé. Akhlys ne se situe vraiment dans aucune scène et emprunte à plusieurs sous-genres différents pour finalement créer son propre monde et déverser son venin comme personne d'autre ne le fait. Même si Naas Alcameth a gardé la même formule que sur "The Dreaming I", il arrive à se renouveler et à nous amener un album qui passionne tout autant qu'il malmène. Comme je le disais, la musique du groupe est éprouvante tant elle vous étouffe et la durée de trois quarts d'heure est juste ce qu'il faut, un peu plus et la coupe aurait débordé. Malgré le fait que l'on est loin du bourrinage intensif, il y a une intensité chez Akhlys qui met à genoux, le fait que le groupe accumule les couches de sons par moments y contribue pas mal. Entre l'épaisseur des guitares, le chant qui semble sortir d'une caverne et les claviers qui appuient encore des mélodies déjà bien sales et malsaines, il y a de quoi suffoquer. Les ambiances ne laissent d'ailleurs aucun doute sur le caractère introspectif de la bête. Ce n'est même pas du domaine de la catharsis, c'est une exploration, de l'archéologie psychique. Dit comme ça, vous devez avoir du mal à imaginer à quoi ressemble "Melinoë" mais la bête n'est pas simple à décrire et si ces quelques lignes suffisent à éveiller l'intérêt et la curiosité ce sera déjà ça. Allez écouter ça, plongez vous dans ces cinq morceaux et allez ensuite explorer la discographie de Naas Alcameth avec Nightbringer, Aoratos et Bestia Arcana, vous aurez de quoi faire et vous ne serez pas déçus du voyage.
Un nouvel album cauchemardesque qui suit la voie tracée par son prédécesseur « The dreaming I » à savoir un black metal malsain, noir comme la suie et étouffant mêlé à des passages ambiant pas franchement chaleureux non plus. « Melinoë » prouve que Akhlys a définitivement quelque chose à dire et que le label Debemur morti a décidément le nez creux pour trouver des perles noires !
"The Dreaming I"
Note : 16/20
Groupe américain déjà auteur de "Supplication" en 2009, Akhlys revient hanter nos tympans avec une signature chez Debemur Morti que "The Dreaming I" concrétise en ce début d'année. Fondé par le maître à penser de Nightbringer, ce projet dit évoluer dans un mélange de black metal et de dark ambiant.
La bio nous apprend que le géniteur d'Akhlys est sujet à des rêves fascinants qui ont donné vie à cet album, autant dire qu'ils sont sacrément tordus les rêves du monsieur ! Parce que la musique d'Akhlys n'est pas des plus accueillantes, "Breath And Levitation" débute sur une longue intro ambiante et plutôt oppressante, de quoi penser qu'In Slaughter Natives a dû tomber une paire de fois dans les oreilles de Naas Alcameth. Sauf que ce qui débarque au bout de 2 minutes 30 n'existe pas chez le maître suédois du dark ambiant, un déferlement de metal extrême et chaotique à grands coups de blasts, de guitares abrasives et de nappes de clavier bien glauques. Une mixture qui pourrait rappeler les deux premiers Aevangelist, même si Akhlys propose un chaos un peu plus contrôlé. L'aspect chaotique provient en fait du nombre de couches de sons superposées, mais la musique en elle-même est parfaitement construite, là où Aevangelist nous balançait un bordel presque insondable même si très efficace. Akhlys ne cède en rien à l'envie de balancer la sauce sans discernement, ce sont les ambiances qui sont recherchées ici et le groupe atteint son but en utilisant les dissonances avec parcimonie. La base black metal est clairement présente dans les riffs et les mélodies glaciales, mélangée avec ce côté plus massif et chaotique, elle permet à Akhlys de délivrer une musique à la fois violente, oppressante d'un côté et belle et désespérée de l'autre. Précisons d'ailleurs pour ceux qui ne l'auraient pas encore deviné, le groupe prend le temps de développer ses morceaux, l'album dure 46 minutes et ne contient que 5 pistes.
Des pistes que je conseille bien entendu d'écouter d'une traite les unes à la suite des autres. Je ne sais pas si l'album présente un concept mais musicalement il n'est en fait qu'un gros bloc séparé en 5 parties par politesse envers l'auditeur innocent qui se serait égaré par là. Le centre de "The Dreaming I" est d'ailleurs occupé par les deux pièces maîtresses de l'édifice, à savoir "Consummation" et "The Dreaming Eye" qui tapent respectivement dans les 17 minutes et les 10 minutes. Les habitués de la musique de Nightbringer devraient assez vite retrouver leurs marques à l'écoute de cet album d'Akhlys, des différences sont discernables mais l'univers créé reste très proche. A vrai dire, ça aurait même presque pu paraître sous le nom de Nightbringer, ce qui est logique puisque c'est le même compositeur. Naas Alcameth n'a pas profité de ce projet pour expérimenter davantage, tout au plus il a choisi une approche légèrement différente avec des morceaux qui prennent un peu plus de temps à se développer. Cette approche donne aussi à "The Dreaming I" une profondeur supplémentaire que les derniers Nightbringer avaient un peu perdus. Voyons le bon côté des choses en nous disant que ces deux groupes vont devenir complémentaires et permettront de percevoir le même univers mais sous deux angles différents.
Voilà donc un album qui ne devrait pas dépayser les habitués de Nightbringer mais qui renoue avec une profondeur que le dit groupe avait un peu délaissé ces derniers temps. Un metal extrême fortement teinté de black, des morceaux longs, à la fois pesants et furieux et des lignes mélodiques à la fois belles et poisseuses.
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