"Eastern Tales"
Note : 17,5/20
Belore – Eastern Tales
Jamais deux sans trois ! Après "Artefacts" et "Journey Through Mountains And Valleys", la formation de black metal Belore revient en 2024 pour son troisième album intitulé "Eastern Tales". Au vu de la qualité des deux premiers albums, la sortie de cet album est une vraie bonne nouvelle pour les amateurs de black metal épique comme Summoning ou Caladan Brood car le groupe français parvient à infuser dans sa musique le même type d’ambiances et de souffles épiques sans pour autant se positionner comme une copie sans inspiration des groupes précédemment mentionnés. C’est donc début 2024 que ce "Eastern Tales" débarque parmi les nombreuses autres sorties de cette année. S’il est parfois difficile de faire des choix parmi toute cette diversité, Belore vaut largement la peine qu’on donne de l’attention a cet album.
Et cette fois encore, l’œuvre, semblable à un livre, est écrite comme une véritable épopée qui comporte ses scènes d’exposition, ses moments forts, ses instants dramatiques et sa conclusion avec une ouverture pour une éventuelle suite. Il est véritablement intéressant de se pencher sur cela et de constater que l’album pourrait également être une solide série audio à travers sa narration, mais également à travers tout ce qui ressort des ambiances musicales. En effet, à défaut de comprendre les paroles immédiatement si on ne se penche pas sur les lyrics, les compositions sont assez bien pensées pour nous faire suivre le fil du récit uniquement à travers les ambiances apportées par les différents instruments ainsi que le chant.
C’est à travers quatre actes que l’album se décomposera : on aura premièrement l’introduction qui mettra l’accent sur des ambiances très grandioses, présentant de nouvelles contrées, de nouveaux peuples et de nouveaux héros en devenir. Par la suite, l’album plongera dans des ambiances plus mystérieuses et posées la plupart du temps dans les morceaux "Storm Of An Ancient Age" et "The Hermit Awakens", marqués par beaucoup de chant clair et de passages calmes, qui vont nous exposer la quête et tout ce qui va en découler. Par la suite c’est la véritable action qui va se préparer avec "Denelior’s Betrayal" pour battre son plein dans "Battle For Therallas" avant de résoudre cette épopée sur une conclusion épique qu’est le morceau "The Rise Of A Sovereign".
On a ainsi l’introduction de l’album qui se fait de manière très grandiose avec des flûtes, des accords lourds et puissants et une batterie très solennelle, le tout accompagné par des chœurs qui donnent un côté très épique à la fin de "Sons Of The Sun". Puis immédiatement ce sont des contrées plus mystérieuses qui sont révélées avec "Storm Of An Ancient Age" qui nous propose en introduction un riff de guitare entêtant et répétitif qui vient comme nous envoûter avant de nous plonger dans un black metal épique que l’on connaît désormais bien chez Belore. Et tout dans ce morceau revêt une aura de mystère, avec une couche instrumentale très brumeuse, qui illustrerait cette ancienneté. A la fin du morceau, on aura même un passage narratif en spoken words qui viendra comme lever le voile sur tout cela et présenter les choses telles qu’elles sont dans toute leur grandeur.
C’est ensuite dans un climat beaucoup plus calme et froid que se lance "Denelior’s Betrayal", annonciateur du chaos à venir, ce morceau que l’on pourrait qualifier de dark ambiant vient se poser comme une transition, un tournant de l’album qui prépare le terrain pour le grand moment d’action qui sera dépeint dans "Battle For Therallas". Ce morceau est, comme on peut s’y attendre, plus violent que les autres, cependant, de manière assez inattendue, ce n’est pas la violence qui est l’émotion qui en ressort le plus mais bel et bien une dimension tragique qui est mise en lumière par un piano lent qui vient se placer au devant de la production, par dessus tous les instruments et vient donc créer un climat triste au-delà du déchainement de violence instrumental orchestré par une batterie au rythme soutenu et une guitare aux riffs percutants. On se retrouve alors face au chaos triste d’une bataille dont la victoire est amère tant elle a coûté en perte de précieuses vies. Cependant cette atmosphère est vite remplacée dans le dernier morceau de l’album, "Rise Of A Sovereign", par des ambiances plus chaleureuses, plus grandioses, celles d’un peuple en fête devant la fin d’une ère de trouble et l’ascension d’un nouveau héros avec l’espoir d’un nouvel âge de paix et de prospérité.
Ce "Eastern Tales" peut surprendre à la première écoute notamment à travers ses dynamiques de composition qui sont très similaires aux deux albums précédents. En effet, avec un titre pareil, on aurait plus pu s’attendre à des tons plus chauds et des orchestrations aux accents plus orientaux mais l’album décide de prendre tout cela à contre-pied pour ne pas tomber dans les clichés du type terres de l’est = désert et autres peuples nomades, bien que le titre "Sons Of The Sun" semble tout de même indiquer que l’histoire ne se déroule pas vraiment dans une reconstitution fantasy de la Bretagne. On retrouve ici des ambiances riches et variées comme dans les premiers albums sans pour autant avoir un sentiment de tourner en rond ou de répétition, l’album se pose donc comme une vraie suite d’une œuvre de fantasy qui va se tourner vers d’autres lieux pour raconter une nouvelle histoire sans pour autant changer complétement son univers.
Il est également important de saluer tout le soin apporté à la production et au mixage de cet album qui pourtant propose de nombreuses couches instrumentales à travers de nombreuses orchestrations, des chants différents, des chœurs, il est encore plus fou de constater que la quasi-totalité est le travail d’une seule personne, véritable virtuose de maîtrise dans la totalité des instruments employés, dans la technique vocale mais également dans l’inspiration d’écriture de ces histoires, c’est là un véritable tour de force que de réussir un troisième album aussi inspiré après les deux premiers albums déjà très réussis de Belore.
C’est donc un troisième album et une troisième réussite pour le one-man band qu’est Belore qui se confirme comme un des groupes de black metal épique les plus intéressantd de cette génération et marche clairement dans les pas de Summoning pour devenir un des pionniers de cette scène si intéressante et si confidentielle. A travers des compositions intéressantes et un récit qui se comprend à travers les ambiances apportées, "Eastern Tales" transporte et invite à se plonger dans un nouvel univers aussi bien qu’un livre fantasy sait le faire.
"Artefacts"
Note : 17/20
Il y a de cela deux ans et demi, Belore sortait son deuxième album intitulé "Artefacts". Une seule petite année sépare cet album de la première proposition musicale de la formation, "Journey Through Mountains And Valleys" qui proposait un black metal aux tons fantasy et médiévaux d’excellente facture et qui avait marqué Belore comme un projet à suivre à travers le temps. C’est donc en fin 2021 que le groupe est revenu avec un nouvel album (puis en 2024 avec "Eastern Tales", mais c’est bien sur le deuxième album que l’on va se pencher ici). Le moins que l’on puisse dire c’est que les ambiances proposées dans le premier album ne se sont pas perdues et dès les premières secondes de l’album on se retrouve à nouveau plongé dans un univers médiéval fantasy qui nous évoque plaines vertes à perte de vue et autres montagnes menaçantes à l’horizon. Le tout étant largement suggéré par l’utilisation d’orchestrations et de claviers qui viennent couvrir les instruments plus classiques du black metal d’une nappe atmosphérique et épique absolument envoûtante et qui nous permet immédiatement de nous plonger dans ce monde nouveau, à la découverte d’un univers passionnant à travers les différents morceaux.
Il est toujours passionnant de se pencher sur des projets qui se plongent dans des univers différents car ils semblent tous raconter une histoire à travers leurs albums. On peut ressentir en effet une réelle progression presque narrative dans l’album avec "Tale Of A Knight" qui marque réellement l’initiative d’une aventure en prenant des airs solennels à travers une légende racontée de manière épique, et qui va ensuite devenir une inspiration au voyage qui débutera réellement dans "Artefacts Of Power" qui va nous proposer des trémolos très grandioses et gonflés d’ambition comme au début d’une superbe aventure à la recherche de mystères de l’histoire encore enfouis dans des terres inexplorées. Si cette progression narrative ne nous apparaît pas sous forme de lecture ou de visionnage comme elle le serait plus classiquement dans un film ou dans un livre, elle est pourtant largement identifiable et il est fort plaisant de retrouver cette structure dans la construction musicale de l’album.
Par la suite, le morceau "The Fall Of Endeor" prend des tons plus martiaux avec des percussions plus lentes et une guitare qui va venir, entre des trémolos très épiques, nous proposer plutôt des accords puissants et percutants qui viennent ajouter à la gravité épique d’une bataille de grande envergure. Vient ensuite un chant clair très solennel qui vient se présenter à nous, spectateurs passifs et presque omniscients, pour nous annoncer l’issue de la scène qui se déroule lors de ce morceau. On revient ensuite sur quelque chose de plus mystique et merveilleux à travers le morceau "Moonstone" qui semble nous venir nous plonger au cœur d’une forêt à la fois profonde et pleine de dangers mais portant également quelque chose d’irréel comme si quelque chose en son centre dégageait une lueur apaisante, ce que l’on retrouve exactement au milieu du morceau avec un passage acoustique parsemé de plusieurs chants clairs comme présentant l’acquisition de cette "Moonstone", porteuse d’espoir et de puissance et qui va venir apporter des tons plus clairs dans la musique malgré un chant toujours sombre et caverneux. C’est cette dissonance entre la violence du chant et une beauté instrumentale particulièrement claire qui vient donner toute sa puissance symbolique au morceau et nous permet réellement de nous représenter des images mentales de la scène qui est pourtant évoquée à travers des sons seulement.
Le dernier tiers de l’album se positionne plus comme le début d’un nouveau cycle avec le violon du début de "A New King For Therallas" qui apporte des tons très mélancoliques et tristes comme pour symboliser la mort de cet ancien roi, mais ces sonorités sont bien vites remplacées par quelque chose de plus majestueux et épique, porteur de lumière et d’espoir à travers un nouveau héros, un guide pour un peuple en deuil qui va devoir faire ses preuves dans une quête qui sera contée dans "Glorious Journey", dernier morceau de l’album qui va pour l’occasion sortir ses orchestrations les plus épiques, ces dernières prenant une place encore plus importante dans la prod' tout le long du morceau, proposant plusieurs nappes atmosphériques mêlant claviers, flûte et chœurs vaporeux à une batterie et une guitare qui s’affichent plus comme un soutien, et toujours un chant black metal contant cette quête. S’il est présent dans tout l’album, c’est définitivement ce morceau qui cristallise le plus le sentiment de grandiose et d’épique, notamment avec les cuivres en milieu de morceau qui donnent une vraie sensation d’immensité, comme si d’immenses statues se dressaient face à nous, sans aura menaçante mais illustrant bien la grandeur, ce qui sera ensuite renforcé par les chants clairs superposés.
On remarquera dans cet album que la production, toujours claire et bien maîtrisée, va parfois venir s’adapter au contexte, on aura en effet des instruments très présents dans le mix pour "Tale Of A Knight" comme pour venir embellir une belle histoire qui aurait été déformée par le temps, là où le chant est largement plus mis en avant dans "The Fall Of Endeor" pour marquer la réalité crue qui se déroule au temps présent, ces changements dans le mixage sont particulièrement perceptibles et viennent apporter un véritable plus à l’album en y ajoutant une cohérence narrative pourtant complexe à mettre en place. Les instrumentations qui viennent ajouter la dimension épique ne sont évidemment pas en reste de ce côté, s’effaçant parfois pour mieux revenir et nous infliger un souffle d’aventure, en nous présentant un monde vaste et inconnu qu’on ne peut qu’imaginer à travers la musique, ce qui en fait un monde finalement unique à chaque auditeur.
Avec ce deuxième album, Belore transforme l’essai en nous proposant un conte venu d’un autre monde qu’il appartient à l’auditeur d’imaginer. Porté par un mixage superbement maîtrisé et par des morceaux tous plus qualitatifs les uns que les autres, on prend un réel plaisir à suivre la progression narrative de l’album avec toutes les ambiances proposées, passant d’une bataille désespérée à une quête épique. Avec un album de cette qualité, on ne peut qu’espérer qu’"Eastern Tales", le troisième album tout récemment sorti, est tout aussi bon et va nous amener dans un autre monde fantastique et immersif.
"Journey Through Mountains And Valleys"
Note : 16/20
Le black metal est un genre musical dont la scène se révèle très active et ne cesse de voir apparaître de nouveaux groupes, la France n’est d’ailleurs pas en reste, voyant émerger bon nombre de formations, plus ou moins innovantes, chaque année. Belore est un de ces nouveaux-nés du paysage black metal français, projet solo d'Aleevok, déjà membre actif de la scène française, notamment à la basse chez Darkenhöld. Proposant un black metal épique et atmosphérique, ce premier album "Journey Through Mountains And Valleys" propose des morceaux plus glorieux et lumineux que ce à quoi on a l’habitude d’entendre dans la scène française, apportant une clarté très loin d’être déplaisante parmi tout ce paysage sombre et torturé.
Si l’album peut nous rappeler bien vite les grands noms du genre comme Summoning, il est cependant loin de s’inscrire comme un énième clone sans saveur de ce dernier, Belore nous propose ici son propre univers fantastique médiéval et le dépeint musicalement à sa façon. Un univers médiéval implique donc que l’on sorte un peu des sentiers battus, en particulier au niveau des instruments utilisés, qui vont s’ajouter à ceux d’un black metal plus traditionnel. Ainsi, on retrouvera plusieurs instruments qui se distinguent du reste, largement mis en avant tout au long de l’album, qu’ils servent d’introduction aux morceaux, comme les trompettes que l’on peut entendre au début de "The Whispering Moutains" et "The Bewitching Horns" ou la flûte, qui se présente comme l’élément majeur du morceau "The Howling Fields" et dont la composition et le mixage sont particulièrement soignés.
On notera également une alternance entre un growl assez éraillé, déchiré, qui ne transmet cependant aucune haine ni aucun désespoir, mais se contente de donner du relief aux morceaux par son alternance très bien maîtrisée et équilibrée avec un chant clair qui apparaît très épique, presque élogieux dans son mixage, lequel nous permettrait presque de visualiser l’arrivée glorieuse d’un héros dans la cours d’un château accueilli par un chant similaire. Le tout est également mis en valeur par l’utilisation de claviers, qui se font souvent discrets dans le mixage, dans le corps des morceaux, et deviennent particulièrement importants pour introduire comme dans "The Valley Of Giants", ou conclure un morceau comme dans "The Initiation Ritual".
S’il s’inscrit plutôt dans une ambiance contemplative et épique, l’album sait tout de même proposer différentes ambiances à travers les morceaux, passant sans problème d’un dramatique grandiose, aidé par la partie instrumentale acoustique et les chœurs dans "The King’s Funeral", à l’apaisement de l’épilogue proposé par le morceau instrumental "The Serinity Of Steel" qui vient conclure l’album. Les deux morceaux usant des mêmes mécaniques mais parvenant finalement à produire deux ambiances complètement différentes qui servent toutes les deux le morceau qu’elles présentent, les illustrant ainsi parfaitement.
Belore nous propose donc ici un album original dont la composition et le mixage sont particulièrement soignés afin que l’univers original fondé et dépeint par cet album soit le mieux transcrit possible. Un pari réussi car en plus de représenter fidèlement ce dernier, "Journey Through Mountains And Valleys" parvient à délivrer plusieurs ambiance sans totalement se perdre et délivre ainsi un album de qualité qui sait se distinguer pour ne pas tomber dans l’ombre des grands noms de la scène.
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