"Nourishing The Disaster To Come"
Note : 18/20
Nouvelle expérimentation chez Berlial. Après un album en 2022, CzH (chant / batterie) et HellSod (guitare / basse / clavier) reprennent leurs mélanges intrigants pour créer "Nourishing The Disaster To Come", leur deuxième album, qui sort via Source Atone Records et My Kingdom Music.
"The Last Dance" débute avec des claviers intrigants et aériens, mais les bases plus brutes et dissonantes prennent rapidement le relai, apportant cette touche old school abrasive avant de repartir dans l’étrange et l’inquiétant, en particulier niveau vocal. Les harmoniques prennent également des teintes inattendues et complexes, accompagnant le morceau dans sa folie entêtante avant de rejoindre des sonorités presque ecclésiastiques avec "Nouveau Monde", le titre suivant, qui va à son tour adopter de la noirceur et des hurlements. Bien que l’instrumentale s’apaise un moment, le chant reste toujours aussi viscéral, mais le break ne dure pas et la rythmique s’enflamme à nouveau en puisant dans un black metal assez atmosphérique qui réunit les deux éléments pourtant relativement opposés avant de laisser place à "We Deserve To Fall Again" après une dernière accélération. La composition reste assez mystérieuse au premier abord, laissant les claviers puis un sample instaurer son ambiance pesante qui s’éternise pour finalement permettre aux ténèbres de s’installer et de nous mener à ces spoken words qui remplacent temporairement le chant, puis à ce nouveau sample peu intellectuel qui rend le long morceau encore plus chaotique.
La diversité vocale et l’instrumentale saccadée permettent de rythmer les douze minutes avant de laisser "Ivresse De La Finitude" proposer son introduction glauque pour mieux nous submerger par la suite, proposant tour à tour des moments de rage pure, des choeurs majestueux et des passages imposants couplés aux orchestrations, mais également des moments de flottement assez mélodieux où on reprend notre souffle avant la déferlante finale. "Nourishing The Disaster To Come" s’embrase immédiatement, affichant une virulence palpable, mais comme on s’y attend, les différentes influences finissent par rejoindre les riffs, plaçant ça et là des claviers plus hypnotiques, des cris de détresse et des leads perçants, mais le titre est finalement assez court, et il cèdera sa place à "Le Néant Pour Eternité" et à son introduction apaisante bien que curieuse, puis à la voix samplée très négative qui laisse l’instrumentale prendre progressivement vie et enfin nous entourer de sa mélancolie où naîtront chant, cris et pleurs, mais aussi des moments beaucoup plus violents.
Le black metal de Berlial est en permanence teinté par des touches intrigantes, inattendues et complexes, mais force est de constater que le mélange est très cohérent. "Nourishing The Disaster To Come" me fait penser à la folie pure, celle qui frappe sans prévenir et s’installe à jamais en nous.
"Enfants De Putains"
Note : 17/20
On ne va pas s’mentir, en France nous sommes bons en ce qui concerne le black metal. La raison à cela, c’est que l’on n’a jamais tenté de reproduire bêtement ce que faisait les Nordiques, mieux encore, on ne se copie même pas entre nous. Les formations
fFrançaises sont aussi nombreuses que singulières et à chaque fois que je tombe sur une nouvelle découverte issue de notre beau pays, je sais que je ne sais pas à quoi m’attendre. La surprise est toujours au rendez-vous, et la qualité aussi, assez régulièrement. En ce qui concerne l’invité du jour, le nom du groupe me semblait être une référence à Belial, j’ai cherché la signification concrète, pensant que, tel Belzebubs (qui peut s’écrire Beelzebub), qui est une autre appellation de Belzébuth, mais aussi de Baal (Baal-Zebub), Berlial pouvait être une variante pour Bélial, car on peut aussi utiliser Béliar pour décrire ce démon des plus puissants, placé en vingt-troisième position dans le Pseudomonarchia Dæmonum, un grimoire de sorcellerie de la renaissance. Du coup, j’avais émis l’hypothèse que Berlial était tout simplement la fusion de Bélial et Béliar… Que nenni, en fait c’est l’acronyme de Beria, le leader et fondateur du groupe de black montpelliérain NKVD et de Bélial, ce qui pourrait nous mettre la puce à l’oreille sur la possible présence du membre unique de ce one-man band excellent ! Cela permettrait aussi de comprendre pourquoi "Enfants De Putains" est un album si génial, car oui, le disque est vraiment bien !
Bon, après cet aparté culturel démonologique, concentrons-nous sur la musique de ce groupe tout nouveau tout pas beau. Berlial impose avec ce premier opus sobrement intitulé "Enfants De Putains" un metal noir aussi étrange qu’attirant, à la fois ambiant et rageur et qui prend de nombreux détours tout au long des 9 titres qui composent l’album, sans pour autant se perdre. En effet les compos s’enchaînent mais ne se ressemblent pas forcément, car Berlial construit et innove à chaque seconde. Les influences sont nombreuses dans ce black poisseux et irrévérencieux, on peut passer d’inspirations Burzumiennes, comme sur le titre éponyme grâce à un ostinato de synthé bien macabre, à des moments beaucoup plus mélodiques, limite shoegaze, sur "A La Naissance Du Pire", un petit côté rock indus se devine sur "To See Me Fail", ou encore on se prend de la riffaille qui aurait pu figurer sur le black album de Metallica dans "To Welcome A Messiah". En fait, cette démarche de n’en faire qu’à sa tête me fait penser à Funeral Mist qui ne cesse de surprendre au fil des sorties en expérimentant de longue, et ceci sans jamais dénaturer l’esprit que le groupe a instauré dès le départ. "Enfants De Putains" est un peu dans le même trip et propose de nombreuses ambiances et nuances qui ne détériorent jamais l’âme de la musique. A cheval entre tradition et modernisme, Berlial nous bouscule en prenant différents détours, rendant ainsi l’expérience musicale vraiment enivrante. Le son consolide cette sensation grâce à une production qui met bien en valeur chaque élément, le son est rêche, cru, mais bien équilibré. Il se dégage une certaine chaleur qui parvient à faire oublier que la batterie est programmée.
Le chant black est vraiment puissant, haineux et possède un grain qui colle parfaitement à l’ensemble. Seul petit bémol, les quelques parties en chant clair qui manquent un peu de relief, celles sur le second track "A La Naissance Du Pire - Part 1", morceau sur lequel un long solo de guitare développe des mélodies à l’interprétation hésitante mais dont la capacité à captiver l’auditeur sauve la mise, ou encore sur "A La Naissance Du Pire - Part 2". Ces deux titres sont pourtant terriblement prenants, et malgré ma critique précédente, le chant clair possède un petit côté désinvolte qui, mine de rien, se fond bien dans le décor. Le disque est parsemé de nappes synthétiques omniprésentes sans pour autant faire sombrer Berlial dans des délires symphoniques putrides et convenus. L’usage de ces sons ancre pas mal le groupe dans une approche esthétique très mid-nineties, mais ce n’est pas pour autant qu’il diminue sa capacité à nous transmettre son aversion du genre humain comme sur "Life Is Sacred", un titre qui puise sa force dans un riffing intense et une batterie guerrière, le tout dans un constant tourment de dissonances, dans le même délire que l’autre track du skeud, construit sensiblement sur des bases assez proches "Death Is Abusing Me To Reek In Putrefaction". Les deux morceaux s’étalant respectivement sur 5.10 et 5.20 minutes, les autres titres oscillant entre 2.50 et 4.00 minutes. Cette variété dans le format des compositions apporte un élan à l’ensemble, ainsi l’auditeur voyage au travers de passages qui prennent le temps de se développer et d’autres moments plus intenses. Malgré une base sombre et dégradante, quelques parties plus mélodiques laissent entrevoir quelques rayons de soleil à travers les épais nuages, créant ainsi des nuances qui colorent différemment l’album.
"Enfants De Putains" laisse une très bonne impression derrière lui, à chaque réécoute, il s’avère être un disque divertissant, mais aussi assez introspectif, qui possède beaucoup de charme. On peut fermer les yeux et voyager dans ce monde où l’humanité dégoûtante n’en a plus pour très longtemps, entre pessimisme envers l’évolution de notre société et une forme de satisfaction de voir l’édifice se fissurer et s’émietter progressivement, tout l’inverse de cet opus qui, lui, est très solide. Pour une première réalisation, Berlial possède une vision artistique déjà bien dessinée, avec un travail sur le concept en lui-même, le design sobre du disque et les photos qui alimentent le livret collent parfaitement avec ce sentiment de rejet de notre monde, palpable au sein de ce black à la tendance anarcho-punk qui ne fait pas dans la dentelle mais qui propose, tout de même, différentes approches musicales. Un groupe à suivre de près.
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