"Gospel Of Bones"
Note : 17/20
Il y a eu un peu de changement chez Funeral. Depuis leur dernière parution en 2021,
Anders Eek (batterie, Fallen), Rune Gandrud (basse, ex-Mistur) et Sareeta (violon,
Ram-Zet, God Of Atheists) ont accueilli Eirik P. Krokfjord (chant, ex-Sarpedon), Stian
Kråbøl (guitare, Minas, Kråbøl, Tulus, ex-Sarke, ex-Khold) et Tom Alexander Trones
(guitare/chant) avec qui ils ont composé "Gospel Of Bones", leur septième album, qui sort via
Season of Mist.
André Aaslie (Abyssic, Profane Burial) a enregistré les claviers pour cet album avant de
quitter le groupe. Espen Ingierd (Two Trains, ex-Beyond Dawn) est également crédité au
chant.
L’album débute par la solennelle "Too Young To Die" où le chant imposant d’Eirik rejoint une
instrumentale très calme et apaisante, créant finalement un duo avec Kari Ulfsnes Kleiven,
puis avec des choeurs qui alimentent l’aspect inquiétant du morceau. La mélancolie s’efface
sur le final, puis renaît avec "Yestertear" où le vocaliste mène l’avancée pesante à travers les
harmoniques entêtantes, découvrant les différents instruments et harmoniques sur son
chemin dans les ténèbres. Le titre est relativement court par rapport aux autres, laissant
place à "Procession Of Misery" qui devient immédiatement plus imposant et angoissant,
mêlant lourdeur et tonalités grandioses pour orner son doom aux influences gothiques. On
retrouvera tout de même quelques passages légèrement plus bruts et vifs, mais les cordes
nous mènent à "These Rusty Nails" où l’on retrouve l’approche saccadée lugubre qui répond
parfaitement aux instants lancinants et cérémonieux renforcés par la saturation.
Le groupe
nous permettra tout de même un moment de répit avec la courte "Ailo's Lullaby" où les violons
se répondent, puis c’est à nouveau dans la douceur que nous progressons sur "My Own
Grave", rencontrant ça et là des moments de flottement entre deux vagues de saturation aux
couleurs de la tristesse pure. Un dernier sursaut nous emporte vers "To Break All Hearts Of
Men", révélant une voix étrange et inhabituellement sereine qui marche aux côté de riffs
lents, alternant avec les parties vocales habituelles avant de se transformer en duo pour
l’ultime partie qui laisse place à "Når Kisten Senkes" où l’apathie est à nouveau de mise. Le
solo vif créera un contraste intéressant, mais la rythmique retourne à son rythme de
croisière, mais les musiciens alimentent l’aspect entêtant grâce à des sonorités répétitives
avant de sonner le glas, et s’abandonner au silence. "Three Dead Men" mettra fin à l’album en
mêlant toutes les voix, qui dansent ensemble dans cette atmosphère morne, apportant une
touche de vie macabre à cette atmosphère hiératique, pour enfin la regarder s’éteindre dans
un murmure.
La nouvelle cérémonie de Funeral permet au groupe de continuer leur ascension dans la
lenteur et la mélancolie, mais avec des éléments relativement nouveaux. "Gospel Of Bones"
est parfois très différent des précédents albums, mais sa base lancinante reste hypnotique.
"Praesentialis In Aeternum"
Note : 16/20
Les Norvégiens de Funeral auront pris leur temps avant de revenir avec "Praesentialis In Aeternum" puisque leur précédent album "Oratorium" date déjà de 2012, on peut donc dire qu'ils sont doom jusqu'au bout ! Un doom qui aura connu plusieurs évolutions depuis le doom / death de "Tragedies", suivi de la voie plus gothique et entièrement dotée d'un chant féminin sur "In Fields Of Pestilent Grief" pour ensuite laisser la place au chant clair masculin sur "From These Wounds" et un retour de la lourdeur du doom sur "As The Light Does The Shadow" et "Oratorium".
Un doom que l'on retrouve donc sur "Praesentialis In Aeternum" et qui démarre dans une veine très orchestrale et cinématographique sur "Ånd" avant de partir en bon gros doom lourd et puissant et toujours en chant clair dans un premier temps. L'ambiance se fait très vite plus noire et plus angoissante, voire menaçante que sur les précédents albums et on sent clairement une envie de durcir le ton. Le romantisme typiquement gothique est toujours présent dans les mélodies et certaines lignes de chant mais les guitares et les riffs se font bien plus durs. Et si j'ai précisé que ce premier morceau était en chant clair dans un premier temps, c'est bien parce que les growls font enfin leur retour ! On ne les avait plus entendus depuis le premier album (si on met de côté leur discrète apparition sur le morceau "Vile Are The Pains" de "In Fields Of Pestilent Grief" ) et ils confirment le fait que Funeral veut proposer quelque chose de plus noir cette fois-ci. Mais si le tout se fait plus écrasant et plus oppressant, les mélodies restent sublimes et les lignes de chant clair sont toujours aussi belles et poignantes, le groupe n'ayant clairement pas perdu la main à ce niveau. La production est très bonne aussi et "Praesentialis In Aeternum" jouit d'un son puissant et clair qui lui va très bien et donne l'ampleur qu'il fallait aux ambiances parfois grandioses qu'il développe. On entend d'ailleurs plus d'une fois des orchestrations qui donnent un côté tragique à l'ensemble, amplifiant encore les ambiances développées par les mélodies et les lignes de chant toujours inspirées et poignantes. Contrairement à nombre de groupes de metal utilisant les mêmes procédés, Funeral ne sombre jamais dans l'excès, les orchestrations restent des ajouts et n'apportent leur soutien qu'aux moments opportuns.
La pochette montrant une forêt à la fois plongée dans la neige et un épais brouillard résume merveilleusement bien les ambiances qui vous attendent sur ce nouvel album. Le savoir-faire de Funeral est toujours bien présent et si le groupe a mis près de dix ans pour nous livrer "Praesentialis In Aeternum", on comprend bien vite que l'attente en valait la peine. Ce nouvel album se fait à la fois suffisamment accessible et mélodique pour accrocher dès les premières écoutes et en même temps suffisamment profond pour captiver sur la durée. Si le groupe a vite pris un visage plus gothique et plus léger dans un certain sens dès son deuxième album, il reprend pleinement son nom ici et se fait justement bien plus funèbre. On ne tombe jamais dans la noirceur excessive et les mélodies conservent toujours cette beauté froide qui est vite devenue la spécialité de ces Norvégiens. Mais la lourdeur et une certain abattement se refont sentir bien plus fortement et "Praesentialis In Aeternum" prend des allures deuil musical. Notons que les versions deluxe et vinyle proposent quatre morceaux bonus qui valent le coup puisque c'est à pas moins de trois vrais inédits assez longs plus une reprise du "Samarithan" de Candlemass que vous aurez droit, portant ainsi la durée de l'album à quasiment quatre-vingt dix minutes ! Précisons qu'ils s'intégrent parfaitement au reste et le complètent, on sent que ce sont bien des morceaux composés pendant les même sessions avec le même état d'esprit et non pas de simples morceaux supplémentaires jetés en pâture au hasard. La filiation est d'ailleurs confirmée dans les titres de certains de ces bonus puisque deux d'entre eux ont entre parenthèses "Ånd: Epilog" et "Enindring: Prolog", "Ånd" et "Enindring" étant respectivement le premier et troisième morceau de l'album.
Un retour en forme pour Funeral qui se montre plus dur et plus noir que sur ses précédents albums et qui réintégre ici les growls et les riffs bien doom. Les mélodies poignantes et les sonorités gothiques sont toujours là, le chant clair domine encore l'espace, mais le tout se fait cette fois plus lourd et plus oppressant. "Praesentialis In Aeternum" rassure et nous laisse donc espérer qu'il ne faudra pas encore dix ans à Funeral pour donner des nouvelles.
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