Gràb chante pour la Bavière. Créé dans cette célèbre région allemande par Grànt (chant, Trinitas, ex-Dark Fortress) et à présent accompagné par Gnàst (instruments / composition, ex-Winterfylleth), le groupe signe avec Prophecy Productions pour la sortie de son deuxième album, "Kremess". Le duo est accompagné par Markus Stock (clavier / choeurs / dulcimer, Empyrium, The Vision Bleak, Noekk), Thomas Helm (choeurs, Empyrium, Noekk), Victor Bullok (guitare, Triptykon, ex-Dark Fortress), Florian “Morean” Magnus Maier (chant, Alkaloid, ex-Dark Fortress), Komalé Akakpo (dulcimer), Peter Honsalek (violon, How We Leave This Place) et Johanna Rehm (flute) selon les morceaux.

L’album débute de manière presque solennelle avec les quelques bruits puis les choeurs de "Waidler", rapidement rejoints par des percussions guerrières puis par les riffs sombres et empreints de cette touche pagan bavaroise entêtante. L’agressivité et la dissonance font bien évidemment partie de cette première composition au mix old school, mais on retrouve cette dernière entre les touches mystérieuses de la pesante "Kremess", chanson éponyme qui démarre très lentement et instaure son atmosphère lancinante avant de s’embraser pour nous ensevelir sous sa rythmique. Un hennissement marque le début de "Kerkermoasta", création qui se montre immédiatement beaucoup plus imposante mais qui propose tout de même de petites vagues de quiétude mélodieuse dans l’océan étouffant qui abrite aussi bien les grognements inquiétants qu’une grande tirade intense.

"Im Hexnhoiz" affiche un tout autre climat avec des sonorités glaciales auxquelles viennent se greffer les mélodies apaisantes, mais c’est seules qu’elles répondront aux samples vocaux intrigants ainsi qu’au final planant qui nous conduit à "Vom Gràb Im Moos". Le morceau débute de manière assez simple, avec des riffs lents mais accrocheurs, puis il se teinte rapidement des pointes de folk aériennes pour créer un contraste sublime qui rend la fureur du chant presque hypnotique avant que la batterie n’explose. Le final très doux nous permet de respirer un moment avant que "Deifeszeig" ne prenne la suite en nous inondant de ses riffs ténébreux tout en plaçant quelques éléments enivrants au niveau des leads puis des choeurs, mais il est interrompu par "Waldeinsamkeit", un interlude très calme où les instruments folkloriques nous accompagnent. "Da Letzte Winter" prend la suite en faisant renaître la froideur et l’atmosphère si particulière qui reprend immédiatement ses droits quand bien même elle est amenée à ralentir et offrir un espace à des parties plus douces qui confirme une fois de plus l’attachement du groupe à ses racines, autant musicales que physiques, et qui referme finalement l’album dans la douceur.

La bavière et son folklore a une importance toute particulière pour Gràb, qui les recouvre d’une touche de black metal old school pour faire de "Kremess" un album aussi glacial que dépaysant. En fermant les yeux, on se croirait dans la forêt noire.

Gràb est un duo allemand fraîchement formé qui nous envoie son premier album "Zeitlang", qui nous promet un black metal mélodique et froid. Pas de sonorités dissonantes ou modernes par ici mais un black metal proche de la tradition, glacial, violent et qui sent le sapin (ça tombe bien, c'est de saison).

Après l'introduction "Sched Oreidig" est ses deux minutes dramatiques et bien glauques, on entre dans le vif du sujet avec "Nachtkrapp" qui démarre sur un mid-tempo mélodique et glacial qui n'est pas sans rappeler un certain Lunar Aurora avec des guitares tranchantes comme des lames de rasoir et des claviers fantomatiques. La plupart des morceaux sont assez longs et atteignent les sept minutes voire même onze pour "Nachtkrapp" qui prend le temps de démarrer en posant une ambiance à la fois mélancolique et inquiétante pendant plus de deux minutes avant de partir une fois de plus sur un black metal froid et mid-tempo. Les blasts se font régulièrement entendre sur ce premier album mais Gràb ne base pas sa musique sur la violence et ne s'en sert que lorsque les ambiances l'exigent. Le titre de ce morceau signifie d'ailleurs "cauchemar" ou "corbeau noir" et désigne dans ce cas une créature issue d'un conte façon croquemitaine, ce qui résume bien l'intention du groupe à savoir installer des ambiances noires, inquiétantes sans tomber dans la dissonances pour autant et créer un black metal froid, fantomatique et atmosphérique. Gràb accorde plus d'importance aux ambiances qu'il veut créer qu'à la violence brute et cela suffit à le démarquer de la scène black metal actuelle. "Zeitlang" est loin de la fureur habituelle de cette scène et la haine qu'elle fait généralement entendre n'a pas sa place ici, elle laisse sa place au froid, à la nuit et à la mort. Le premier morceau à vraiment se montrer teigneux est "Weizvada" et c'est aussi le plus court en dehors des intros et interludes instrumentaux, à peine plus de cinq minutes mais pied au plancher. Quand les blasts relâchent la pression, ce sont les tapis de double grosse caisse qui prennent le relais avec toujours ces riffs mélancoliques et cette ambiance générale sur laquelle la mort semble flotter.

La pochette de l'album résume d'ailleurs bien ce que vous allez y trouver, avec justement la mort qui vient éclairer de sa lanterne un vieil homme transi de froid. La production est à l'avenant et reste dans les standards du genre avec des guitares tranchantes, une batterie organique sur laquelle s'entend une réverbe à l'ancienne, bref un son qui colle très bien aux ambiances développées par "Zeitlang". Ce n'est clairement pas chez Gràb que vous allez entendre quelque chose de révolutionnaire mais le groupe arrive pourtant à sortir son épingle du lot sans problème par la force de ses ambiances justement. "Zeitlang" gère suffisamment bien l'équilibre entre mid-tempo mélodique et passages violents et réussit à ne jamais lasser ni se répéter malgré une durée d'une bonne heure, le mérite en revient à ces mélodies poignantes et ses ambiances puissantes et évocatrices qui arrivent à faire comprendre le propos du groupe, sans même avoir à lire les paroles ou comprendre l'allemand. Le concept de l'album parle d'un vieil homme qui s'est retiré pour vivre en solitaire et qui fait son introspection sentant que la mort ne tardera pas à venir. Le talent de composition de ce duo fait que les images vous viennent en tête rien qu'avec la pochette et les ambiances développées par ces neuf morceaux. Cela peut tomber sous le sens mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire et Gràb s'en sort avec les honneurs en nous livrant un premier album hanté. "A Grabliacht" ferme d'ailleurs l'album avec des ambiances parfois presque spatiales qui évoquent clairement le voyage final.

"Zeitlang" est une carte de visite plus que convaincante qui nous fait découvrir un groupe aux ambiances fortes et qui développe un black metal froid, habité par la mort et la mélancolie. Gràb se sert intelligemment de la violence pour dynamiser ses longs morceaux et faire en sorte que cette heure de musique noire ne sombre jamais dans l'ennui. Pour un premier album, c'est assez fort et ça donne clairement envie d'entendre la suite, on va donc garder un œil attentif sur ce duo allemand en espérant qu'il ait d'autres surprises de ce genre à nous livrer dans le futur.