"The Fall Of Valhalla"
Note : 17/20
Cela commençait à faire un moment que l'on n'avait pas entendu du neuf de la part d'Himinbjorg puisque "Wyrd" date tout de même de 2015, même si on a eu droit au projet "The Chant Of Trees" entre temps. "The Fall Of Valhalla" vient donc briser ce silence avec une sortie chez Adipocere Records et vu la qualité constante de sa musique, on y va sans la moindre crainte. "Wyrd" remettait d'ailleurs une petite dose de black metal après un Chants d'Hier, Chants De Guerre, Chants De La Terre..." plus pagan et folk, on se demande donc à quelle sauce va nous manger ce nouvel album.
Himinbjorg a toujours évolué et proposé quelque chose de différent à chaque album ou presque, le tout en gardant une personnalité bien reconnaissable. Parce que s'il y a une chose que l'on ne pourra jamais enlever au groupe c'est son intégrité, ce qui lui a d'ailleurs probablement valu de s'en mettre quelques uns à dos. Zahaah est droit dans ses bottes, n'a pas la langue dans sa poche et malgré l'image subversive qu'aiment se donner nombre de groupes metal, ils paniquent dès qu'on ne se contente plus d'enfoncer des portes ouvertes. On n'en pense peut-être pas moins mais on ne va pas prendre le risque de froisser qui que ce soit, c'est qu'on a un produit à vendre ma petite dame ! Pas de ça chez Himinbjorg, le groupe a toujours fait ce qu'il voulait faire et s'il n'est pas le nom qui ressort le plus souvent, il n'empêche que la qualité de ses albums en met quelques uns à l'amende. Je sais que ça ressemble à un passage de pommade en règle mais ce n'est pas le cas. Simplement quand quelques gros noms récoltent toutes les louanges et focalisent toute l'attention sur eux il est bon de mettre d'autres groupes tout aussi méritants, voire plus, en avant. Si ça peut en inciter certains à être un peu plus curieux c'est toujours ça de pris, surtout qu'Himinbjorg est là depuis longtemps et mérite plus de visibilité que certains (je ne vais pas faire la liste des groupes avec lesquels on nous a bourré le mou et qui se sont vite dégonflés comme des baudruches, ce serait trop long). Ce n'est pas "The Fall Of Valhalla" qui va changer la donne ou décevoir, le groupe est toujours aussi inspiré et on comprend bien vite qu'on va encore s'en prendre une bonne derrière les oreilles. Et comme d'habitude, authenticité ne rime pas ici avec une volonté de s'enfermer dans des codes, Himinbjorg fait du black metal à sa façon tout en étant ancré dans la tradition.
Le constat est confirmé dès l'ouverture de l'album avec "Brother Sequane" qui dépasse les six minutes et nous envoie un mid-tempo bien lourd aux accents épiques et tragiques. On entend de suite que la production est loin du tout synthétique auquel on a droit chez quasiment tout le monde ces derniers temps. Ici, cela sonne de manière organique et assez crue, on sent que les prises n'ont pas été produites à outrance et que le groupe a voulu garder un aspect authentique et un minimum de spontanéité. Et même avec cette approche, le son est puissant, clair et on entend parfaitement tous les instruments, ce qui devrait donner quelques leçons à tous ces groupes dotés d'un son faiblard et en plastique. Bref, on retrouve le Himinbjorg qu'on aime, peut-être pas dans son visage le plus agressif (cet aspect a toujours varié selon les albums et ce n'est pas plus mal) mais cette patte mélodique qui suinte la mélancolie, voire même la nostalgie, est bien là. Ce sens de la mélodie qui touche en plein cœur est un des points forts du groupe depuis le début et cela contribue à le démarquer de tous les autres groupes de black metal. Ces émotions sont fréquentes dans ce style mais seul Himinbjorg les fait sonner de cette façon, sans niaiserie, sans avoir l'air de forcer pour se donner une image. Certains morceaux, comme le bien nommé "The Fury Talk", prennent une direction plus frontale et plus violente qui permet d'apporter une dimension supplémentaire à ce nouvel album. "The Colour Of Truth" qui clôt l'album est le candidat parfait pour faire comprendre à quelqu'un toute la singularité du groupe, avec ces mélodies qui vous prennent à la gorge typiques d'Himinbjorg. Un morceau très évocateur qui marque d'autant plus par le fait qu'il termine l'album justement.
On parle beaucoup d'intégrité dans le black metal mais peu en font réellement preuve, Himinbjorg est de ceux-là et "The Fall Of Valhalla" confirme à la fois le talent de Zahaah en termes de composition et son envie de suivre sa propre route. À une époque où les groupes sont obligés de squatter les réseaux sociaux pour se donner une visibilité, en voilà un qui s'en fout complètement et fait ce qu'il veut, quand il veut et dans son coin. Que vous écoutiez ou non je pense qu'il s'en fout royalement mais allez-y jeter une oreille quand même parce que du black metal fait de manière aussi sincère et personnelle, ça ne court pas les rues. Et si vous êtes passés à côté du groupe jusqu'à maintenant, c'est l'occasion parfaite d'aller écouter les sept précédents albums qui méritent largement votre attention !
"Wyrd"
Note : 15/20
Six ans... Il aura en tout fallu attendre six ans pour à nouveau entendre un enregistrement studio des pionniers du pagan black metal français !!! Certes, le groupe foulait à nouveau les planches depuis quelques temps pour notre plus grand plaisir, mais la sortie d'un nouvel album d'Himinbjorg, ici sobrement intitulé "Wyrd", est toujours un moment particulier pour tous ceux qui comme moi suivent le groupe depuis ses débuts et le fabuleux "Where Ravens Fly"... Alors, la patience dont nous avons su faire preuve sera-t-elle grandement récompensée ??? Réponse dans ces quelques lignes...
Après que la magnifique pochette nous a mis l'eau à la bouche, c'est une intro pour le moins païenne qui poursuit le travail en nous plongeant en douceur dans l'univers complexe et passionné d'Himinbjorg... Le premier morceau, intitulé "The Sword Of Dignity" nous met lui directement dans le bain avec un souffle mid-tempo et lancinant appuyé par un chant black metal au possible !!! Cet aspect un peu plat permet de mettre en exergue le lead mélodique qui deviendra un magnifique refrain appuyé par un chant clair particulièrement envoûtant... On est bien loin des riffs guerriers des débuts et l'ensemble ressemble plutôt à une véritable communion avec Mère Nature !!! Les 7 minutes du morceau vont ainsi agir sur l'auditeur comme un charme, un sortilège druidique... Magique !!!
Ce nouvel album d'Himinbjorg continue avec un "The World Of Men Without Virtue" dans la même lignée que son prédécesseur, même si plus rythmé !!! Les lignes mélodiques sont toujours aussi accrocheuses, et les rythmiques admirablement bien appuyées par la double grosse caisse de K.H. (également cogneur du groupe de death metal Hysteria)... Le refrain, lui, possède, avec son chant en forme d'incantation, un esprit chamanique empreint de dévotion, en tout point ensorcelant !!! L'interlude où la narration se fait en français, est planant à souhait, mélancolique comme il se doit, et donne ce petit plus de relief au morceau, à l'image du formidable solo digne d'une ballade heavy metal !!! Encore une bien belle réussite qui fait montre d'une grande intelligence musicale acquise, cela va sans dire, par les années d'expérience...
"The Circle Of The Warriors" est probablement le morceau le plus entraînant de l'album, le groupe puisant, certes avec parcimonie, dans ses racines nordiques, (pouvant rappeler le dernier album d'Einherjer), sans jamais oublier son identité propre !!! Le chant est sauvage, guerrier, et le refrain fait une nouvelle fois mouche, galvanisant nos cœurs et nos esprits... L'apparition de quelques notes folk apporte un plus indéniable car elles sont placées avec justesse sans jamais dénaturer la musique du groupe : comme si vous apportiez à Eluveitie une bonne dose de neurones et de conviction païenne, loin des considérations commerciales !!! Connaissant l'engagement et la ferveur de Zahaah concernant l'histoire de l'Europe, de ses peuples et de ses croyances, la comparaison n'a même pas lieu d'être...
Ce nouvel album d'Himinbjorg se poursuit avec "Initiation", morceau aux riffs résolument black metal, furieux et ravageur, même si en arrière-plan, on se retrouve en présence de ce côté lancinant et mélancolique si caractéristique... On retrouve aussi cet apport folk, encore une fois placé avec justesse et pouvant rappeler un groupe comme Aes Dana, mais le savoir-faire d'Himinbjorg place la barre bien plus haut en termes de composition et d'atmosphère... Le final du morceau est une véritable ode au voyage à travers l'espace et le temps, une invitation pour notre esprit à se ressourcer en des temps immémoriaux où l'homme et la Nature vivaient en parfaite harmonie... Bref, un bel hommage à un passé bien trop lointain rendant bien fade le monde dans lequel nous vivons !!!
On continue donc le voyage avec "The Mirror Of Suffering – The Circle Of Ghosts" qui poursuit avec ses riffs répétitifs et hypnotiques le travail commencé par les précédents titres... Un morceau complexe, torturé, mais surtout littéralement envoûtant, nous amenant avec subtilité vers un état de transe chamanique, possédés que nous sommes par les esprits de la forêt... Les dissonances entre guitares et instruments folk apportent ce petit plus dérangeant et pourtant totalement addictif qui font de ce titre un morceau vraiment à part, original autant qu'indispensable !!! Forcément, à côté, "The Shamanic Whisper" paraît un peu plus terne... Le titre est malheureusement un peu long à se mettre en place, prenant plutôt l'aspect d'une intro sans fin : peut-être le titre le plus faible de ce tout nouveau "Wyrd" !!!
"Another Shore", lui, est une sympathique ballade folk, misant avec intelligence sur la douceur et l'émotion... Un peu plus de 3 minutes envoûtantes invitant une nouvelle fois au voyage, ou plutôt à l'errance sur des rivages désertés par l'Homme où l'on peut admirer la beauté et la force de la Nature dans toute sa splendeur... Mais comme tous les jolis songes, celui-ci a une fin et le retour à la réalité est une nouvelle fois douloureux !!! C'est maintenant sur "The Eternal Light" que ce nouvel album d'Himinbjorg va se clôturer... Il faut certes un temps d'adaptation suite à la rêverie précédente, mais le morceau s'avère plutôt sympathique bien que classique et un peu trop lent à mon goût !!! En même temps, la lourdeur des riffs permet de mettre en valeur le petit solo du milieu fort bien amené... Malgré tout, peut-être pas le meilleur morceau pour finir ce nouvel album !!!
Ainsi, ce "Wyrd"n'aura pas été parfait du début à la fin, mais de toute façon, qui en est capable... En fait, c'est la toute fin de l'album qui est un peu plus faible à mon goût !!! Après une transe chamanique d'exception, l'album perd quelque peu en puissance musicale et évocatrice... Ce n'est pas tant que les deux derniers morceaux (la ballade mise à part) soient mauvais, c'est plutôt que les autres étaient tellement bons qu'on s'attendait à ce que cela continue comme ça !!! Malgré tout, Himinbjorg, avec son intelligence et son expérience, parvient à nous offrir un album riche et mature, tout en nuance, et faisant montre d'une vraie culture païenne !!! Une nouvelle fois, Zahaah y a mis tout son cœur, toute son âme, perpétuant le statut bien mérité de groupe référence dans le style... Bien que moins épique et guerrier que les excellents "Where Ravens Fly" et "In The Ravens Shadows", ce nouvel album apporte une dimension plus spirituelle qui laisse présager d'un bien bel avenir pour le groupe !!!
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