"Ashen"
Note : 18/20
Humanity’s Last Breath redéfinit la lourdeur. Créé en Suède en 2009, le groupe composé
de Buster Odeholm (guitare / chant, Vildhjarta), Filip Danielsson (chant, In Reverence),
Klas Blomgren (batterie) et Tuomas Kurikka (guitare / choeurs) dévoile en 2023 "Ashen", son
quatrième album, chez Unique Leader Records.
"Blood Spill", le premier titre, ne perd pas de temps pour nous plonger à nouveau dans la
dissonance et l’oppression avant de présenter ses hurlements et ses riffs écrasants. Les
effets ajoutent un côté sombre à la base déjà bien pesante qui laissera sa place à "Linger" et
à son approche plus énergique mais toute aussi lourde des sonorités massives. Les leads
éthérés peinent à contraster la violence pure qui devient de plus en plus étouffante avant
que "Lifeless, Deathless" ne nous autorise un très court répit via son introduction, qui sera
brisée par les riffs saccadés et les tonalités modernes. On retrouvera la dissonance
inquiétante avec "Withering" et ses harmoniques cinglantes, mais la base haletante reste
également présente, tout comme les hurlements qui accueillent également quelques choeurs
en arrière-plan. L’intensité ne faiblit pas avec "Instill" qui laisse la voix angélique d’Héli
Andrea (ex-Mobius) intervenir avant la déferlante, qui soufflera tout sur son passage avant
de nous accorder un court instant de paix, puis d’enchaîner sur "Labyrinthian" et ses tonalités
inquiétantes qui complètent parfaitement la lourdeur.
Un riff légèrement plus motivant se fait
entendre, puis "Catastrophize" renoue avec l’oppression pure, mais également avec certaines
parties beaucoup plus énergiques comme la moshpart centrale. Le final apocalyptique
laissera "Death Spiral" placer ses éléments les plus stridents avant de laisser les guitaristes
se déchaîner pour créer un son dantesque. "Shell" prend la suite avec un pattern similaire qui
couple habilement des harmoniques dérangeantes et des riffs irréguliers, suivi sans
transition par "Passage" qui redouble de fureur pour proposer un son infernal, qui accueillera
même un court moment de chant clair. Le groupe nous propose de souffler un peu avec
"Burden", un interlude qui conserve l’ambiance pesante, puis "Bearer", le dernier morceau,
frappe à son tour avec toute sa force, entre rythmique épaisse, effets sombres et
harmoniques transcendantes.
La recette de Humanity's Last Breath reste inchangée sur "Ashen" : coupler des riffs
imposants, des hurlements massifs et une ambiance sombre étouffante en permanence.
Pari réussi pour le groupe.
"Välde"
Note : 16/20
J’avais pris la claquouze avec "Välde", leur précédent opus, et j’ai eu la chance de les voir au Hellfesse, j’avais trouvé le chanteur très charismatique ainsi que Buster Odeholm le six-cordiste, avec sa guitare de droitier tenu en gaucher et les cordes graves et aigues inversées, c’est un tueur en rythmique, bref, il était évident que ces Suédois allaient tout niquer tant la précision, le charisme et le son sont une composante majeure de la musique de HLB, pas besoin de s’appeler Madame Irma pour avoir prédit cela. Du coup ce "Välde", qu’est-ce que ça donne, hein ?
Comme d’habitude avec ce genre de production, ça sonne très, très, très méchant. Le son est lourd, profond, chirurgical, les vocals sont immenses, ils sont bien en avant dans le mix et le trio guitare / basse / batterie construit un mur fréquentiel aux sonorités très modernes, à tel point que l’on ne perçoit plus une once d’élément physique, tout sonne ultra logiciel, froid, clinique, mais terriblement précis. Les sons d’ambiances, omniprésents, rajoutent une pointe de drama à l’ensemble, mais là par contre, on va un peu en parler de ces sons, car il y en a parfois un peu trop… Par exemple, le morceau "Earthless", il y a un son saccadé quasiment omniprésent, tellement entêtant que ça en devient casse-couille, vraiment, c’est de la gênance auditive qui sert à rien, mais que c’est dommage, les mecs jouent encore une fois sur des clichés du genre qui ne servent pas la musique, je suis désolé de le dire mais ça ne sert pas du tout la musique, ça sert juste à faire chier l’auditeur. Sur un titre comme "Descent", ça démarre sur les chapeaux de roues, avec des jeux subtils à la drum, c’est cool et puis d’un coup, il y a ce pseudo refrain fat comme le boul d’une twerkeuse, avec des chœurs abusés derrière. L’effet est saisissant, mais encore une fois c’est too much, alors que les mecs sont si bons lorsqu’il s’agit de créer des riffs djenty entre Meshuggah, Psycroptic, The Faceless et consorts. En fait, le travail des ambiances est globalement bien, mais le truc que je déplore vraiment, c’est qu’à certains moments, on a cette sensation que ça déborde de la musique, après c’est sans doute voulu mais cet équilibrage ne me sied aucunement.
Pour le reste, c’est du très bon deathcore, et vas-y que je te fous un coup de whammy pedal sur une bonne vieille dissonance ou que, si je décide de cogner ma corde grave avec mon gros médiator, tu entends la vibration de la corde, tu ressens même physiquement son ondulation, vive le studio et les convertisseurs audio haut de gamme. "Välde" possède ce truc hyper produit qui fait que l’on ressent immédiatement que c’est un disque de studio. Après c’est vrai que les mecs s’en sortent en live, ayant eu la chance d’assister à un de leurs concerts, on ne peut pas dire qu’ils soient incapables de recréer ce son sur scène mais là encore, les samples et les séquences participent activement à rendre le truc plus crédible. Après personnellement, je m’en tape de toute la polémique actuelle sur le fait d’utiliser des ordinateurs sur scène, comme avec l’affaire Falling In Reverse, qui avait été obligé d’annuler un show parce que les mecs avaient paumé leurs ordis, et qui se sont fait charrier par les vieux briscards de la scène hard et metal, Monsieur Bach de Skid Row en tête, vous le voyez le bon conflit générationnel boomers vs millenials ? Bref, pour Humanity's Last Breath, les gars sont vraiment dans le délire actuel de la surprod', du gros son et de la musique millimétrés. Toujours plus loin dans la dramaturgie sonore, le côté futuristico-dystopique et les riffs "coups de marteau", le band suédois repousse les limites et va encore plus loin que sur "Abyssal". En fait, "Välde", c’est "Abyssal" avec tous les potards dans le rouge, plus sombre et ténébreux que jamais, HLB a le don de sublimer le silence, tout en étant capable de prendre une seule note, et d’en faire une arme de destruction massive.
"Välde" est un album figuraliste, c’est l’équivalent des blockbusters qui pullulent au cinéma, d’ailleurs, ce serait la musique idéale pour une scène d’apocalypse tellement c’est lourd, pesant, suffocant. Le groupe de p’tits jeunes parvient à se dépasser, et à dévoiler un deathcore fichtrement solide, qui provoque des images, de la musique à regarder avec les oreilles, et non pour twerker comme des débiles dans son salon. Il y a deux points négatifs cependant, l’un est objectif et l’autre purement subjectif. Le point négatif objectif, c’est que les ambiances sonores prennent parfois trop le pas sur la musique, c’est peut-être voulu, mais un petit rééquilibrage ça aurait pu être cool. Le point subjectif, c’est que cette putain de scène modern deathcore tourne diablement en rond. A force de trop chercher la puissance, la prod' impeccable et comment placer le dernier son VST tendance que les jeunes teenagers américains aux cheveux colorés et aux t-shirts licornes vont tenter de promouvoir sur leur chaîne YouTube, le serpent se mord la queue. J’ai mis 16/20 car mine de rien, le truc dépote sévère et que je me mets à la place d’un fan du genre, mais je dois admettre que personnellement, il y a des phases dans ce disque où je me fais royalement chier… vous êtes prévenus. Finalement "Abyssal" est plus intéressant à mon goût car encore vierge de toute tentative de coller à l’image du genre de manière abusée.
"Abyssal"
Note : 18,5/20
Humanity’s Last Breath est la nouvelle recrue de Unique Leader Records, label qui se spécialise de plus en plus dans le deathcore technique et moderne. Là, c’est vraiment du lourd parce que dernièrement, le style avait tendance à tourner en rond avec ses principes et ses archétypes scrupuleusement respectés à la lettre. Et vas-y que j’te mets un breakdown par-ci, une dissonance par là, que j’te surgueule mon guttural pendant une minute non-stop, manière de montrer que j’ai du souffle et des grosses "cojones", bref, on connaît la chanson.
Humanity’s Last Breath, on ne va pas se mentir, c’est aussi tout ça, sauf que là, c’est fait… autrement. "Abyssal" est un album de deathcore aventureux, progressif et irréfutablement avant-gardiste. Niveau poutrage, le son est compact, la batterie froide mais incisive, les guitares à 53 cordes ajoutent à la fois les graves qu’il faut mais aussi de nombreux effets suraigus s’extirpent des profondeurs sonores pour venir percer vos tympans. Les riffs sautent du coq à l’âne, des breaks insolites s’immiscent dans le lot, des structures inattendues s’étalent, là où l’on envisageait l’idée musicale se stopper net, bref, "Abyssal" recèle de surprises en tout genre. "Abyssal Mouth" par exemple, et son son de guitare qui ressemble à une explosion, on a rarement entendu ça… Hormis le côté cataclysmique omniprésent, et cette dystopie ambiante, quelques nappes de synthé viennent s’insérer dans le chaos, comme dans ce formidable track "För Sorg", 2 minutes 30 d’ambiant / core instrumental génialissime qui fait voyager plus loin que de l’herbe jamaïcaine. Pendant 46 minutes, cette formation suédoise démontre que l’Angleterre n’est pas la patrie du deathcore, en insufflant un second souffle à ce style qui se recroquevillait sur lui-même ces dernières années. Très branché sur les coupures rythmiques, Humanity’s Last Breath pioche dans des groupes comme Meshuggah, surtout leur disque "Catch 33" pour les climats cyber négatifs, les Anglais de Sikth pour le côté prog et les multiples rebondissements, et puis enfin toute la scène brutal deathcore, Organectomy, Carnifex, Oceano et tout ça, pour le côté monolithique et plombé, on trouve aussi de grandes similitudes avec Krosis. Un titre comme "Vånda" résume bien la situation : un côté légèrement black, des voix multiples, un refrain avec ce chant clair dont a abusé Cattle Decapitation sur son dernier album (sauf que là, c’est bien moins relou), des dissonances et des arpèges de guitares ultra pessimistes et cette patate omniprésente et infaillible. Les plus gros breakdowns sont également présents dans cet album, alternés aux parties de double bombe les plus incisives du moment ("Rampant").
Ce troisième album de Humanity’s Last Breath démontre clairement qu’un style, aussi bourré de codes et de principes que le brutal deathcore actuel à tendance slam, peut innover sans dénoter. Ultra cyber, moderne, au son quasi parfait, "Abyssal" est un véritable bijou de brutalité. La production et l’exécution musicale rivalisent avec une interprétation audacieuse et sans faille, l’ensemble reste prenant du début à la fin avec ces plages de repos, aussi infimes soient-elles, et ces relances brutales. HLV (pour les intimes) sont, avec Krosis, les fers de lance du prog / djent / death, mélant habilement brutalité, virtuosité et audace.
|