Alors que certains groupes font preuve de pudeur quant à l’utilisation de l’étiquette rock-chrétien, d’autres montrent une ardente fierté à la représenter. Ne prêtant aucunement attention à ceux qui pourraient railler leurs croyances ou messages insérés dans leur musique, I, The Breather fait partie de ces derniers. Formé il y a 5 ans et après seulement 1 an de formation, ces gars de la ville de Baltimore dans le Maryland signaient chez Sumerian Records et sortaient leur premier album "These Are My Sins". Rapidement accueillis à bras ouverts sur la scène metalcore chrétienne, l’album suivant d’I, The Breather, "Truth and Purpose" ne se fit pas prier en atteignant la 13ème place au podium des meilleurs albums chrétiens 2012 aux USA (classement "Billboard's US Christian Album Chart"). Le tableau aurait pu être parfait si quelques mois après la sortie de ce deuxième opus le bassiste Armand Jasari n’avait pas quitté le groupe, de même pour Morgan Wright (batteur et membre fondateur) un an plus tard. Malgré ce contexte difficile le groupe ne s’est pas laissé abattre et a su entretemps combler les places dans ses rangs et enregistrer ce troisième album qui nous intéresse : "Life Reaper".

Par le Passé, I, The Breather s’était fait remarquer par un metalcore traditionnel, mais néanmoins très technique dans "Truth And Prupose". Je prends garde de mettre un P majuscule à "passé" car cette époque est révolue dans "Life Reaper" ! En effet, le groupe a décidé de troquer ses fameuses rythmiques et leads complexes contre des mid-tempos, des tonnes de breaks et des effets post-production omniprésents. Vous l’aurez compris, la forme est tout à fait différente et déroutante dans cet album par rapport au style original du groupe. Mais est-ce forcément négatif ? Voyons voir cela.

Sans tomber dans l’éternel et lassant discours réac’ au metalcore dit "moderne", nous sommes malheureusement obligés de constater qu’I, The Breather fait un pas en arrière avec cette dernière galette. En effet, le problème ne réside pas dans la démarche ni dans l’évolution du style du groupe, mais bien dans la composition générale des morceaux qui tournent rapidement en rond. Les break parts s’enchaînent les unes après les autres, le tout à grand renfort d’effets guitares sur-travaillés. Passé les 3 premiers titres, l’ennuie s’installe et ce ne sont pas les deux interludes clichés "Re : Volution" et "Identity : Crisis", que l’on peut classer d’expérimentaux / electro, qui vont bousculer ce sentiment global. Certes la production est absolument exemplaire et d’une efficacité redoutable, mais malheureusement le fond de l’album est mis de côté.

Passé cette impression globale assez négative, "Life Reaper" a heureusement de bons atouts. Le groupe fait preuve d’un savoir-faire indéniable dans les breakdowns, bien au-delà de tout ce qu’il a proposé jusqu’à présent, notamment dans "Life : Reaper", "Dear :Devil" et "Swine : Cult" (on notera d’ailleurs l’admirable jeu du batteur Aaron Ovecka sur ces derniers). La majorité des morceaux sont relativement "catchy" et facilement accessibles. A titre d’exemple le refrain de "Self : Restore" vous restera en tête un bon moment avec ce lead en tapping et cette ligne de chant entêtante ! Toujours dans ce souci d’accessibilité, le chant de Shawn Spann se veut plus clean et tout à fait correct (sans pour autant pété d’originalité). Les paroles quant à elles, résolument inscrites dans un message chrétien, évoluent cependant dans une certaine ambiguïté permettant ainsi à chacun d’en faire sa propre interprétation. Spann assène sa défiance et sa colère face à l’oppression et le rejet par les autres ("Setting:Sun", "Life:Reaper", "Swine:Cult"), lance des messages fraternels ("Setting:Sun" et "Chain:Breaker"), mais jongle aussi avec des thèmes plus sombres comme la dépression et les peines intérieures avec "Dear :Devil" ou encore "Shape : Shifter". Les paroles sont variées et abordables, sans non plus frôler le génie. En ce qui concerne la pochette, elle est réussite et fait un bon rappel aux paroles.

"Life Reaper" marque un virage dans la discographie d’I, The Breather, mais malheureusement souffre d’une durée de vie limitée, notamment dû à des compositions peu originales. Certes le groupe a considérablement amélioré sa production et possède un son bien à lui. Mais au bout de quelques jours d’écoute il est fort à parier que de nombreux auditeurs se rendront compte que tout ceci n’est que superflu et "Life Reaper" risquera probablement de tomber dans l’oubli. Au final, cet album s’en sort avec une note correct car il a le mérite de (très) bien nous divertir le temps d’un court trajet en train ou durant une pause cafés. L’énergie des morceaux est quasi-instantanée et l’on se prend au jeu des breakdowns et des effets de guitares sur-vitaminés. Si les gars arrivent à reproduire fidèlement tout ceci en live (car oui on peut en douter tellement l’album est arrangé en production) : ambiance garantie ! A ce niveau-là, I, The Breather nous gatte d’un réel talent.