"Marodeur"
Note : 19/20
Karg a encore évolué. Bien que créé à la base comme projet solo de V. Wahntraum (Harakiri For The Sky, Lûs, Seagrave), son neuvième album "Marodeur" est le premier à avoir été créé en tant que collectif réunissant également Paul Färber (batterie, Nekrodeus, Norikum, live pour Ellende et Harakiri For The Sky), Daniel Lang (guitare), Georg Traschwandtner (guitare) et Christopher Pucher (guitare / choeurs), ainsi que la violoniste Klara Bachmair (Firtan, Vinsta).
"Schnee Ist Das Blut Der Geister" ouvre l’album avec une douceur presque rassurante, mais qui va finalement céder sa place à des riffs plus bruts avant de revenir accompagner le chant saturé, disparaissant de temps à autre pour faire place à des choeurs. Le son ralentit et accueille Perchta pour un duo saisissant avant que le piano de Michael Eder ne nous mène à "Findling" où les riffs imposants prennent immédiatement possession de notre esprit pendant que V. Wahntraum ne déverse sa peine à pleins poumons. Le morceau est aussi prenant qu’agressif, que ce soit au niveau du chant ou de l’instrumentale, mais il laissera assez vite sa place à "Yūgen" où la rythmique est relativement plus enjouée, profitant d’une allure assez lente pour instaurer son atmosphère contrastée. Les quelques choeurs clairs rebondissent sur les cris du vocaliste pendant que les riffs deviennent plus virulents avant de s’apaiser soudainement via un break salvateur, puis d’exploser une dernière fois de désespoir avant que "Verbrannte Brücken" ne vienne à nouveau nous autoriser à respirer pour finalement laisser sa mélancolie teinter la rage qui naît sans prévenir.
Le son devient alors saccadé, collant avec l’approche directe du chant puis de la double pédale qui apporte des tonalités lancinantes combinées au violon, que l’on retrouve sur la douce introduction d’"Annapurna" avant que les riffs ne s’embrasent à nouveau pour devenir entêtants puis finalement assez majestueux tout en portant les hurlements poignants. Le groupe nous autorise un nouveau moment de flottement avant de repartir de plus belle pour un final en apothéose qui débouche sur la dissonante "Reminiszenzen Einer Jugend" où les harmoniques planantes tissent naturellement leur langueur contagieuse. Même les non germanophones ressentiront cette détresse avant le break, mais aussi la fureur qui arrive après et qui nous mène à "Kimm" où le groupe est accompagné de Marko Kolac (Svntarer) qui va apporter sa propre touche brute à des riffs hypnotiques pour renforcer le chaos infernal. Les derniers moments du titre nous laissent une sensation de morosité ambiante avant que le groove sombre d’"Anemoia" ne s’installe, créant un moment entraînant avant de succomber à nouveau à la tristesse couplée à une certaine vivacité, mais le son va inévitablement s’apaiser et disparaître dans le néant, mettant fin à l’album.
"Marodeur" fait partie de ces albums dont l’atmosphère pourtant très déprimante parvient à nous faire voyager, et Karg semble être expert en la matière. Sa mélancolie entêtante ne peut qu’emporter votre esprit dans son océan de noirceur.
"Resignation"
Note : 19/20
Karg reprend la parole avec son nouvel album. Mené depuis 2006 par V. Wahntraum (tous
instruments / chant, Harakiri For The Sky, Lûs…), le projet sort régulièrement albums et EPs.
En 2022, le musicien annonce la sortie de "Resignation", son huitième album, chez AOP
Records.
V. Wahntraum assure le chant, la basse ainsi que le glockenspiel, accompagné par Daniel
Lang (guitare / choeurs), Chris Purch (guitare / choeurs), Georg Traschwandtner (guitare) et
P.F. (batterie, Nekrodeus, Norikum, Groza, Ellende…), ainsi que de nombreux invités.
"Was Bleibt", le premier titre, démarre doucement avec un son envoûtant avant d’accueillir
quelques percussions, des leads mélodieux, et enfin cette vague de saturation aussi brute
que mélancolique. Les hurlements déchirants se joignent au mélange, et le son navigue
doucement entre tristesse et rage avant d’accueillir la trompette de Christoph Höhl ainsi
que le violon de Klara Bachmair (Firtan) pour un final étrangement calme et lumineux, qui
nous mène à ce hurlement glacial qui débute "EBBE//FLUT", une composition majestueuse et
transperçante sur laquelle le musicien invite I.R. et S.M. du groupe E-L-R pour l’aider au
chant. On observe un contraste entre les hurlements du multi-instrumentiste et les parties
plus douces sur le break apaisant, laissant les deux parties de l’univers se rencontrer pour
une dernière explosion avant que P.G. (Groza) ne rejoigne le musicien pour un duo
dévastateur et extrêmement intense sur "Grab Der Wellen". Le titre, qui est le premier à avoir
été dévoilé, est celui sur lequel les parties vocales sont les plus brutes, et même sans
comprendre leur sens (les paroles sont écrites dans l’allemand utilisé près du Massif de
Tennen), on peut les sentir nous lacérer pendant que l’instrumentale nous berce jusqu’à la
partie finale jouée à nouveau par la violoniste, puis la longue "Generation Ohne Abschied"
vient mettre une touche finale à cet album. Les tonalités magiques nous entourent lentement
avant de laisser la rage s’enflammer une fois de plus dans la noirceur en compagnie de T.L.
(Lûs) et le chanteur de hip-pop Private Paul au chant, alimentant la diversité de l’album
sous des riffs changeants et lancinants. Les choeurs déchirants s’allient à la perfection à
cette lenteur abrasive, et les quelques mots calmes sonnent très solennels en compagnie
des mélodies douces, puis une voix plus brute prend la suite avant que les hurlements ne
nous frappent à nouveau sous une saturation pesante.
Le groupe nous réserve également une surprise, qui prendra la forme de deux reprises
bonus traduites en allemand. "Einen Traum Weiter Dort Fangen Wir Das Licht", une
interprétation poignante et directe de "Dreaming My Dreams" de The Cranberries, avait déjà
été dévoilée à l’hiver dernier mais son intensité sincère reste intacte, laissant l’instrumentale
de renforcer au cours du morceau jusqu’à cette accélération finale, puis c’est avec
"Fieberherz", reprise de "Fever Queen" de Nothing, et ses accents post-metal aériens couplés
à un chant torturé et désespéré, que le son viendra mourir à nos pieds.
Bien que Karg reste un groupe assez underground, sa puissance est infinie. Avec
"Resignation", le groupe nous offre des tonalités saisissantes, mais également très
diversifiées et profondes, autorisant le son à nous étouffer avec sa noirceur ou à nous
réconforter avec sa douceur avant de mélanger les deux aspects pour alimenter une
atmosphère sincère et torturée.
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