"Enki"
Note : 18/20
Melechesh, groupe devenu culte dans le milieu du metal oriental et du black, nous délivraient le fantastique "The Epigenesis" voilà cinq ans. C'était un album d'une grande finesse malgré l'aspect brutal qu'on y voyait de prime abord, les lignes mélodiques étaient travaillées et les rythmiques, élaborées, étaient très inspirées du folklore oriental. En plus de ça, l'album était ponctué de morceaux acoustiques, purement traditionnels et surtout d'une grande beauté.
On est donc en droit de se demander comment pouvoir aller au-delà d'un tel chef-d’œuvre et comment peut-on encore innover sans pour autant changer radicalement la patte musicale du groupe ? Eh bien "Enki" nous montre que ce n'est pas possible pour l'instant. Et pourtant, ce qui est proposé est toujours autant fantastique, si ce n'est plus. Melechesh n'innove pas mais il approfondit ce qu'il a déjà créé dans les deux précédents albums pour nous délivrer un travail des plus aboutis.
Dès les premières notes de "Tempest, Temper, Enlil Enraged", nous sommes transportés dans leur univers. Nous voilà dans un désert brûlant, au milieu des Djins où leur son, si typique, nous envahit dès les premiers instants. Des guitares tranchantes, un son de batterie lourd et puissant et surtout ces gammes mineures-harmoniques, propres à la musique arabe, qui font la grande spécificité du groupe.
S'il y a bien quelque chose de remarquable dans "Enki", c'est le travail mélodique. Les "riffs" (si on peut les appeler ainsi) sont tous très travaillés, non sans rappeler les deux albums précédents, mais avec un petit plus. Ils sont plus aboutis, plus cohérents et bien plus marqués par la musique orientale. Sam, nouveau derrière les fûts, est un peu plus en retrait et n'en place pas autant que son prédécesseur sur "The Epigenesis". Son jeu est bien plus mesuré, moins marqué par les rythmes orientaux, mais mieux senti. Il joue ce qu'il faut où il faut, à croire que lui aussi laisse la place aux guitares. La basse est utilisée comme un liant entre les guitares et la batterie. Elle est tantôt rythmique, tantôt elle suit note pour note les riffs. La voix d'Ashmedi est toujours aussi haineuse et bien maîtrisée. Elle se marie d'ailleurs très bien avec celle de Max Cavalera sur l'excellent "Lost Tribes", morceau qui a par ailleurs servi de signle.
Là où on peut remarquer un autre apport en comparaison à "The Epigenesis", c'est qu'aucun morceau n'est en dessous des autres. Tous se valent et sont un parfait mélange entre black violent et riffs orientaux plus mid-tempo. Le morceau qui fait figure de parfait exemple est le long titre éponyme. "Enki (Divine Nature Awoken)", placé en milieu d'album, nous offre tout ce que Melechesh sait faire de mieux. Son introduction très traditionnelle laisse vite place à un riff lourd où la voix se fait très présente et où le nouveau batteur nous laisse entrevoir une fois de plus l'étendue de son niveau et de son bon goût dans ses placements. Le morceau va en crescendo, toujours avec ce côté oriental très marqué, jusqu'à un pont très atmosphérique qui mène sur une fin aux allures plus mystiques.
"Metatron And Man", quand à lui, surprend par son intro brute de décoffrage mais aussi par sa ressemblance à s'y méprendre avec le riff de "Grand Gathas Of Baal Sin" de l'album précédent. Heureusement sa structure et le chant en font un morceau bien différent tout de même.
Vers la fin de l'album, on en vient à se demander où sont les morceaux acoustiques, si bienvenus et originaux, qui étaient présents dans "The Epigenesis". Il faudra attendre l'avant-dernière piste avant d'en voir la couleur. Mais encore une fois, là où ces pièces semblaient être des tests dans le précédent opus, ici on en voit tout l'aboutissement et Melechesh n'a pas fait les choses à moité. Il n'y a qu'un seul morceau acoustique dans "Enki" mais c'est le troisième morceau le plus long du disque. "Doorways To Irkala" va chercher encore plus loin dans les racines orientales du groupe. Nous retrouvons le bouzouki et les darboukas mais nous pouvons entendre s'ajouter à cela un doudouk. Le doudouk est un instrument arménien, proche du hautbois. Il donne à ce morceau un aspect plus mélancolique et méditatif. Un vrai régal où se mêlent émotion et béatitude...
Le disque se conclut sur la longue "The Outsiders". Encore une fois, l'essai de la longue piste avait été fait sur le disque précédent mais il n'était pas aussi convaincant que là. Il y avait même des passages qui semblaient longs. "The Outsiders" est on ne peut plus cohérente, pas un moment ne se passe sans que l'oreille ne reste accrochée. Le morceau est une longue montée en puissance qui s'achève sur des blasts rageurs et une outro qui retombe complètement et laisse l'auditeur sur un thème méditatif joué à la basse.
Comme dit précédemment, Melechesh n'innove pas mais poursuit son chemin dans le sillon si efficace et bien pensé qu'il avait déjà creusé. "Enki" est pourtant un travail bien plus approfondi, les compositions sont de bien meilleure qualité et les éléments de musique orientale bien mieux amenés que sur leurs efforts précédents. Melechesh va en se bonifiant et nous offre sans doute son meilleur album.
"With Decay… And No Compassion"
Note : 11/20
Quelle montée en puissance pour Melechesh... Seulement trois albums chez Osmose et voilà le groupe propulsé chez Nuclear Blast !!! A l'époque de "Djinn", album qui m'a fait connaître le groupe, je crois que personne ne s'attendait à une telle progression. Reste maintenant à savoir si le groupe aura su garder son style unique pour conquérir les hordes de fans qui s'offrent à lui...
Très vite, on retrouve la patte guitaristique d'Ashmedi avec ses riffs et ses accords typiques, ce qui met rapidement l'auditeur en confiance. Malgré tout, Melechesh sonne plus lourd sur cet album que sur les précédents, tant au niveau des guitares que de la batterie. On sent que le nouveau Babajim Studio d'Istanbul a des moyens importants, mais au final pas forcément une grande culture metal, et c'est donc un son en demi-teinte que nous offre "The Epigenesis", un peu trop sourd à mon goût, avec beaucoup trop de fréquences basses (et pourtant, je suis bassiste !) et un chant sous mixé.
D'un autre côté, ce son est relativement approprié à la nouvelle orientation musicale du groupe. Car oui, la musique de Melechesh a évolué, et ce n'est pas forcément pour moi la meilleure surprise de l'album. On se retrouve en fait face à onze morceaux très mid-tempo, faisant la part belle aux riffs simples, efficaces autant que répétitifs plutôt qu'aux grandes envolées guitaristiques des albums précédents. De plus, à l'époque, Proscriptor avait mis en exergues le fameux pattern arabisant propre à Melechesh, repris par Xul sur "Emissaries", mais tout ceci est de l'histoire ancienne...
Dans l'évolution du groupe, la différence entre "Djinn" et "The Epigenesis" est presque aussi flagrante que celle entre les "Kill'Em All" et "Black Album" de Metallica. Voilà donc un album riche de bonnes atmosphères orientales mais qui sombre trop vite dans la répétition et la platitude. Ces 70 minutes de musique laissent s'installer un grand sentiment de lassitude et de linéarité, faisant de "The Epigenesis" un album manquant cruellement de diversité et donc d'inspiration. Finalement, les rares morceaux vraiment dépaysants sont les deux morceaux acoustiques, ce qui est d'un intérêt malgré tout bien faible.
Quand on réécoute les précédents albums de Melechesh, on revoit parfaitement où l'on voulait que nous emmène "The Epigenesis". On était en droit d'attendre comme auparavant un véritable voyage onirique à travers les légendes et les religions du désert... La Mésopotamie, berceau de bien des peuples et des croyances et principale source d'inspiration du groupe, invite au mystère et au mysticisme tout comme la musique de Melechesh nous le laissait entendre à l'époque. Mais le voile s'est levé et la musique du groupe a véritablement perdu son pouvoir ensorcelant, comme si le génie était retourné dans sa lanterne.
Peut-être que cette évolution est un souhait de la part de Nuclear Blast qui voulait voir le groupe entrer dans le moule Allemand, mais toujours est-il que pour moi, Melechesh a perdu de sa fougue d'antan et de sa folie. Il suffit de repenser à la richesse d'un "Sphynx" ou d'un "Emissaries" avec leurs morceaux si entraînants et leurs atmosphères tellement uniques pour se rendre compte à quel point "The Epigenesis" est fade. Il s'agit vraiment pour moi d'un album raté qui ne remet heureusement pas en cause le respect que j'ai pour Ashmedi et sa horde. En attendant un nouvel album plus pimenté, mieux vaut oublier celui-ci...
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