"All The Lights On"
Note : 18/20
D'un côté, il y a les groupes qui se plient aux règles de l'industrie musicale qui consistent à enchaîner les albums et les tournées pour occuper le terrain en permanence et espérer maintenir une carrière. De l'autre, il y a les passionnés qui se foutent de tout ça et ne sortent un album que quand ils l'estiment prêt, quand ils en ont envie ou quand l'inspiration leur vient. My Own Private Alaska est de ceux-là puisque ce nouvel album "All The Lights On" débarque quatorze ans après son prédécesseur !
Pas étonnant puisque la démarche musicale du groupe est elle-même aux antipodes de ce qui est commercialement viable, à savoir une sorte de metal inspiré des courants musicaux en tous genres, metal, post (core ou rock), rock en général mais joué au piano avec des voix claires et hurlées et une batterie. Pas de guitares, pas de basse non plus et pourtant il y a une puissance phénoménale qui peut se dégager de la musique de My Own Private Alaska qui prouve aux bourrins que l'intensité n'est pas une affaire de distorsion ou de volume. "From Gold To Stones" nous accueille avec autant de mélancolie que de rage et on sent bien vite que le groupe a une fois de plus mis toutes ses tripes dans son œuvre. Le chant clair est habité et poignant, les mélodies belles à tomber et les hurlements qui se font brusquement entendre ne font pas semblant non plus. On ressent une sorte de rage contrôlée, presque contenue, quelque chose qui veut sortir mais n'y arrive pas totalement. Une colère qui se noie dans les larmes, qui se débat avec le désespoir pour trouver un moyen d'exploser et qui nous arrive par flots plutôt que comme un assaut continu. "Ka Ora" prend lui aussi aux tripes avec une beauté terrassante et là aussi une noirceur qui confine au désespoir. Toute la force de My Own Private Alaska est dans cette puissance émotionnelle qui se développe dans chaque morceau, avec une honnêteté désarmante et loin de toute niaiserie ou de tout pathos. Les textes abordent des sujets graves inspirés de faits réels arrivés à des proches ou des personnes que le groupe a croisé.
Exercice difficile que le groupe réussit avec brio sur "All The Lights On" en traitant ces sujets avec respect et dignité tout en amenant au milieu de tout ça une lueur d'espoir, notamment via le sujet du dernier titre qui remet notre humanité au premier plan malgré les erreurs et les faiblesses qu'elle amène avec elle. On entend souvent dire lorsque l'on essaie de devenir quelqu'un de meilleur, de ne pas se rabaisser à la connerie ambiante : "Tu ne changeras pas le monde tout seul", et c'est vrai. Mais est-ce une raison d'ajouter une couche de merde personnelle à un monde qui part déjà bien assez en couilles comme ça ? Comme le dit la bio du groupe à propos du dernier titre de l'album justement : "Renoncer à l'orgueil et à la haine. Refuser d'avoir du sang sur les mains". Tout ça pour dire que si le titre de l'album paraît incongru au vu de la noirceur et du désespoir que l'on y ressent, il reste un peu d'espoir là-dedans qui permettra à termes de les allumer ces lumières. Pour revenir sur le terrain plus purement musical il est clair que la musique de My Own Private Alaska n'est toujours pas faite pour plaire à tout le monde et qu'il va falloir s'investir un minimum pour la saisir. Pas qu'il y ait quoi que ce soit de complexe, d'inabordable ou d'hermétique, mais les purs métalleux seront une fois de plus désarçonnés par cette formation piano-batterie-voix. Pourtant les mélodies touchent, les morceaux sont accrocheurs à leur façon et les émotions sont tellement puissantes qu'il suffit de se laisser aller pour se prendre un direct au foie et saisir où l'album veut en venir.
My Own Private Alaska comble donc toutes les attentes engendrées par ces quatorze années d'écart en nous livrant avec "All The Lights On" un album poignant, toujours aussi personnel et original et émotionnellement puissant. Peu importe vos goûts et vos styles musicaux de prédilection, ce deuxième album frappe en plein cœur, se démarque totalement de tout le reste de la scène metal ou assimilés et mérite donc toute votre attention.
"Let This Rope Cross All The Lands"
Note : 18,5/20
J’étais tranquillement en train de me tripoter la nouille devant mon écran de 82 cm quand ma souris a glissé dans la mauvaise barre de recherche. J’allais taper "milf anal" dans ma boîte mail quand j’ai vu un courriel du rédac’ chef ayant pour objet "MOPA". Assurément plus bandant que naviguer sur le site de boules que j’ai déjà fini deux fois, j’ai remis mon élastique en place et me suis servi un vieux rhum, My Own Private Alaska, vous m’avez manqué…
Cet opus arrive comme la femme de tes rêves, c’est à dire quand tu ne t’y attends plus. Par contre il y a grand risque qu’elle ne reste pas longtemps. Putain, cinq titres ! Je serres les dents, après dix ans d’attente. Comme si je ne la connaissais pas déjà, je relis la bio. Je ne pensais pas au terme "pianocore" en 2010 quand ils ont signé "Amen" en collab’ avec Ross Robinson. Pour moi c’était une bande de mecs, un gars au piano, un à la batterie, un autre qui crache ses tripes. Un truc tout simplement beau. Effectivement, ils sont quatre désormais et le nouvel instrument se fond à merveille dans l’univers initial du groupe. Encore une fois, le groupe me surprend, subit une nouvelle mue qui le rend encore plus fort, plus énigmatique, plus profond, plus complexe tout en restant en même temps si proche de leur premier EP, celui qui les a révélé, dans son écrin glacial au format DVD.
De ce premier EP, on retrouve d’ailleurs "Ego Zéro" (qui était aussi sur "Amen"), probablement une de leurs plus belles compositions, riche d’une nouvelle version elle provoque toujours les mêmes émotions. Emotions qui sont évidemment soulignées par une prestation vocale toujours aussi époustouflante. Des morceaux comme "Red" ou"There Will Be No One" représentent des bulles de sincérité, ce sont des pistes extrêmement touchantes. De l’autre côté on rencontre aussi "Speak To me", brut, noble, une piste qui révèle quelque chose de tellement plus primaire. Ca m’avait manqué.
Encore plus é-core-ché, "Your Shelter" qui ouvre l’album est un tour de force, et nous rappelle à tous qu’il ne suffit pas d’être le plus bruyant pour être le plus puissant. De bout en bout de ce nouvel opus composé de raretés nous sommes transportés par une musique obsédante, hypnotisante parfois, primaire, brute, sincère mais surtout, extrêmement chargée en émotions. Le style reste fidèle à ce qu’on aime chez eux mais le travail de composition et d’arrangements continu de s’affiner en quelques chose de très léché, brossé, une pièce d’orfèvre. La mélancolie reste ce qui définit le mieux le groupe et malgré le désespoir comme fil conducteur, la beauté et l’espoir ne s’effacent jamais vraiment.
Les paysages sonores pleins de poésie de My Own Private Alaska m’avaient manqué.
Un groupe comme celui-ci, aussi singulier et authentique, est un phénomène rare et précieux.
Comme le dit très justement Ross Robinson, la musique est une chose très importante et "sans des groupes comme celui-ci, elle est morte et inutile". A une heure où la culture, dans sa globalité souffre, et nous avec, rappelons nous que nous pouvons inviter la culture dans nos salons, et par là même soutenir les artistes qui continuent de nous apporter un peu de bonheur, ou au moins du plaisir. L’écrin du vinyle est superbe et vous offrira trois titres supplémentaires, vraiment, aucune excuse pour ne pas se le procurer.
"Amen"
Note : 19/20
C'était certainement une des sorties les plus attendues de cette année 2010 et la voilà enfin. Repérés et produits par Ross Robinson, les trois Toulousains nous offrent en ce début d'année leur nouveau chef d'œuvre. Le design de la pochette est original et correspond parfaitement aux émotions que dégage le groupe. En regardant la liste des morceaux on se rend compte que quatre d'entre eux sont issus de leur premier CD, mais aussi la reprise de "Where Did You Sleep Last Night ?" de Leadbelly également reprise par Nirvana.
On remarque d'entrée de jeu qu'il y a du changement. "Anchorage" commence l'album tout en douceur et, contrairement à ce que M.O.P.A. nous a habitués, il y a du chant clair. On en distingue rapidement l'intérêt puisque "M", le chanteur possède une voix pleine de velours qui sait nous bercer, mais surtout, cela permet d'accentuer le contraste avec des passages un peu plus violents. Peu à peu on retrouve la voix que l'on connait tous, celle d'une gorge pleine de ferraille synonyme de douleur et de désespoir. "After You" est en quelque sorte le titre phare de cet album et il y a de quoi. Le piano fait des siennes et nous embarque dans des vagues douces qui viennent tendrement s'écraser sur une batterie au son percutant. Le troisième titre était déjà présent sur leur premier CD, il s'agit de "Die For Me". "I Am An Island", "Kill Me Twice" et "Page Of A Dictionnary" sont aussi tirés de ce précédent opus. Ces morceaux restent fidèles à ce qu'ils étaient avec des petits effets en plus et d'avantage de chant clair. "Y", commence "Broken Army" avec un riff de batterie rappelant un peu le battement d'un cœur, puis le piano et la voix viennent s'ajouter pour créer une atmosphère oppressante et accrocheuse. "Where Did You Sleep Last Night" reprise risquée car très imprégnée de la version grunge du célèbre groupe de Seattle. Pourtant M.O.P.A. s'en sort à merveille avec une version unique et impeccable de bout en bout. On redécouvre un morceau à part entière où l'auditeur se fera initier au plaisir de se faire piétiner le cerveau par une interprétation émouvante. "Amen" morceau au même nom que l'album est certes le plus court des 11 titres, mais aussi un des plus intense. Ce que ces trois musiciens nous offrent ici est tout simplement inexplicable. Avant dernier titre, "Just Like You And I" engourdit l'esprit, impossible de réfléchir avec une telle merveille dans les oreilles. Déconseillé aux personnes ayant déjà un petit peu le moral dans les chaussettes. On peut dire que pour achever leur album le trio a fait dans l'original. Ça commence par 1 minute 10 de silence et ça enchaîne sur le morceau le plus expérimental du groupe avec des spoken words en Français et le piano très psychédélique nous plonge dans une confusion appuyé par des paroles assez délirantes.
L'union de My Own Private Alaska et du géant Ross Robinson laissait présager un très bon album mais le résultat demeure surprenant de qualité autant par les compositions que par l'enregistrement lui même. Le son est à la fois brut et moderne et pour les chanceux ayant pré-commandé l'édition collector le son du vinyle devrait renforcer cette sensation. Qu'on aime ou pas, My Own Private Alaska ne laisse personne indifférent. Une chose est certaine, difficile d'écouter qu'un seul morceau de l'album. Les titres sont indissociables les uns des autres car ils composent une symphonie qui pourrait n'être qu'un seul et même titre. Il paraît logique d'achever cette chronique par une citation de Ross Robinson concernant le groupe : "Ils sont les précurseurs d'un son nouveau. La musique est vitale. Sans de tels groupes, elle meurt et devient inutile".
"My Own Private Alaska"
Note : 18/20
Projet assez atypique, My Own Private Alaska, nous arrive de Toulouse,
emmenés de T., Y. et M., tous trois
respectivement pianiste, batteur et chanteur. cet EP se compose de 6 titres
tous plus beaux les uns que les
autres, marqués par un piano à la fois doux et mélancolique, une batterie
carrée et puissante et un chant plaintif
et saturé (qui pourrait faire penser à celui du chanteur de Nostromo). Les
MOPA nous emmènent, par leur musique,
voyager au fin fond de l'Alaska, pays où sa froideur n'a d'égale que la
beauté de ses reliefs. On se laisse
emporter par ces douces mélodies au piano, contrasté par ce chant criard,
qui par moment peuvent donner des
sueurs froides, tant cette douleur exprimée peut toucher au plus profond de
soi. La batterie, efficace, donne
un dynamisme certain au tout, par son côté carré et percutant de
simplicité. Chacun donne tout ce qu'il
a à donner, comme si la fin était proche, chacun laissant s'exprimer les
autres sans jamais se mettre soi-même
plus en avant. Peut-être est-ce pour cela que sur scène, les 3 artistes sont
assis, aucun d'entre eux n'ayant le
rôle du leader. Chacun tour à tour auront le droit de s'exprimer seul sur
certains passages, laissant tout de même
le dernier morceau "First Steps" au petit soin de T., laissant le piano
s'exprimer de lui même. Pour ce qui est de
l'artwork, il représente parfaitement le groupe, photo en noir et blanc d'un
paysage de l'Alaska. Le boitier du CD
est lui aussi inattendu puisqu'il nous est présenté sous format DVD, les
paroles étant écrites à l'intérieur. Le
tout est emmené par une excellente production, rare pour un si jeune groupe.
Au final, My Own Private Alaska nous a
offert un CD magnifique, une merveille de mélodies et d'émotions, et ont
créé, je pense, un nouveau style qui leur
est propre. A classer dans les coups de coeur de cette fin d'année.
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