Le groupe
Biographie :

Nocturnus était un groupe de death metal américain, originaire de Tampa, en Floride. C'est le premier groupe de death metal à avoir utilisé le clavier en tant qu'instrument à part entière. C'est également le premier groupe à avoir abordé la science-fiction comme thème dans ses textes. Les albums "The Key" et "Thresholds", sortis à la suite en 1990 et 1992, connurent un certain succès. Puis, face à des problèmes de stabilité, le groupe est annoncé plusieurs fois comme séparé puis reformé jusqu'à la fin des années 90. Un troisième album, "Ethereal Tomb", finit par voir le jour en 2000 pour aboutir à une séparation officielle en 2002. En 2013, le groupe se reforme sous le nom de Nocturnus AD. "Paradox" sort en Mai 2019 chez Profound Lore Records. "Unicursal" sort en Mai 2024.

Discographie :

2019 : "Paradox"
2024 : "Unicursal"


Les chroniques


"Unicursal"
Note : 15/20

Après un "Ethereal Tomb" qui datait déjà de 1999 et n'avait pas reçu un accueil des plus chaleureux (alors qu'il n'est pas mauvais du tout finalement), Nocturnus rajoutait un "AD" à son nom et revenait en 2019 avec "Paradox". Malgré les années, le groupe donnait l'impression de reprendre du service comme s'il ne s'était jamais arrêté et revient donc cette année avec "Unicursal".

Pour les plus jeunes ou ceux qui ont hiberné ces trente dernières années, Nocturnus reste fidèle à son death metal teinté de science-fiction et donc de claviers avec moultes ambiances spatiales. Plus technique et mélodique que franchement brutal, le groupe préfère appuyer ses ambiances pour coller à son concept plutôt que de foncer dans le tas. Un concept qui prend d'ailleurs la suite de l'histoire du Dr Magus commencée sur le mythique "The Key" et poursuivie ensuite sur "Paradox". "The Ascension Throne Of Osiris", pour le coup, rentre pas mal dans le lard avec un démarrage en trombe sur un rythme très énervé et toujours ces mélodies et ces claviers spatiaux. Un premier morceau qui me fait mentir sur le côté violent du groupe mais cela n'empêche que le death metal de Nocturnus n'a jamais été focalisé sur le bourrinage intensif. Le naturel revient d'ailleurs bien vite avec des parties plus techniques et un solo mélodique du plus bel effet. "Mesolithic", quant à lui, nous accueille avec des percussions tribales pour initier un voyage qui va durer neuf bonnes minutes et nous offrir son lot de changements d'ambiances et de structures à géométrie variable. On retrouve clairement le style des deux premiers albums du groupe et c'est probablement ce qui va poser le plus de problème à "Unicursal". Comme toujours avec ceux qui ont sorti des albums cultes, la comparaison fait toujours jaser certains râleurs qui passeront leurs journées à vous expliquer que non ce nouvel album n'arrive pas à la cheville de ces deux prédécesseurs. Ce qui est vrai soit dit en passant, mais cela ne rend pas "Unicursal" inutile ou indigne d'écoute pour autant. "Paradox" était déjà un bon retour et ce nouveau méfait continue sur la même lancée et avec une inspiration que certains aimeraient avoir après une pause aussi longue.

Cependant, il faut noter quelques défauts, comme des passages moins inspirés ou certaines transitions un peu abruptes qui donnent l'impression d'un manque de cohérence dans l'enchaînement de certaines parties. Certains morceaux mettent aussi un peu trop de temps à démarrer et sont dotés d'introductions un poil longues. Même si c'est fait pour enrichir les ambiances et développer un côté plus évocateur, cela coupe aussi le rythme et réduit un peu l'efficacité de l'ensemble. Tout ça peut faire tiquer à certains moments mais globalement "Unicursal" se défend plutôt bien et si sa durée d'une heure lui fait connaître quelques longueurs, on est quand même assez content d'entendre Nocturnus se faire plaisir. Parce que même si ce type de death metal plus expérimental, technique et mélodique trouve un public un peu plus conséquent qu'au début des années quatre-vingt dix, cela reste un style de musique qui ne doit pas se vendre par palettes. On reste dans un death metal étrange, presque progressif par moments et je ne suis pas certain que ce soit ce qui attire le plus de monde. Tout ça pour dire que le moteur de ce retour est clairement l'envie et la passion, plus que la perspective de ramasser des billets qui doivent se faire bien rares. Pour une fois, je ne vais pas râler sur la production qui se fait parfois un peu sèche et froide, voire synthétique sur certaines parties de batterie, puisque cela colle avec le délire science-fiction du groupe. Comme toujours, c'est une histoire de cohérence et quand des groupes qui veulent être brutaux et puissants débarquent avec des barils de lessive à la place de la batterie c'est un problème. Là, ça ne choque pas et on est loin des productions sur-compressées, ce qui donnerait presque un petit côté old school pas dégueulasse à la chose.

Nocturnus AD revient donc avec un "Unicursal" dans la droite lignée de ses grands frères et le groupe balance son death metal spatial et étrange comme si cette pause de vingt ans entre "Ethereal Tomb" et "Paradox" n'avait pas existé. On y trouve quelques défauts, c'est vrai, mais on sent que le groupe se fait plaisir et sa musique est toujours aussi singulière.


Murderworks
Septembre 2024




"Paradox"
Note : 14/20

Nocturnus avait marqué les esprits au tout début des années 90 car c’était le premier groupe de death issu du berceau du style, Tampa en Floride, à proposer un metal avec des synthétiseurs. Dans une démarche assez progressive, ces musiciens composaient une musique assez alambiquée, proche de ce que faisait Atheist ou Pestilence. Ils sont responsables du mythique "The Key", album majeur que toute discothèque se devrait de posséder. Aujourd’hui, le groupe innove en changeant son nom, par l’ajout d’un AD comme suffixe, à la manière d’Entombed, mais en ce qui concerne la démarche musicale, la formation de death prog démontre une volonté assumée de proposer un "The Key" 2.

Déjà au niveau de l’artwork, celui-ci est clairement dans des tons identiques à la pochette du légendaire disque qui a fait la gloire du groupe, et c’est le même illustrateur, R.P. Roberts, qui s’est chargé du dessin. En ce qui concerne la thématique de l’album, elle poursuit celle qui a été abordé sur "The Key", l’histoire fantaisiste écrite par le batteur vocaliste Mike Browning connaît donc aujourd’hui une suite. Musicalement, c’est du même acabit, ceux qui ont écouté "The Key" retrouveront sur "Paradox" des éléments similaires, surtout les introductions des deux albums, quasiment identiques. On fait donc face ici à un death / thrash old school nappé de claviers, avec ce son rude et caverneux à l’ancienne qui inspire les grandes heures des prods qui sortaient du Morrisound Studio, même si ce disque a été enregistré aux New Constellation Studios. Ce qui est assez frappant dès les premières notes du skeud, c’est donc cette volonté de sonner à l’ancienne, cela donne un peu l’impression de regarder un vieux film de science-fiction remasterisé. Nocturnus AD a piqué quelques plans au groupe Nile et à d’autres formations floridiennes (Morbid Angel), tout en continuant de creuser dans le sillon de sa première production, et interprète ses compositions avec une niaque juvénile assez bonnarde. En effet, ça sent le lâcher prise tout au long du disque, notamment dans les solos, aussi chaotiques que virtuoses, tout comme ceux de  "The Key"  qui s’autorisaient ainsi quelques dérapages plus ou moins contrôlés, comme un Slayer qui s’appliquerait. Toujours autant aventureux, le groupe entretien un sens de la surprise durant tout l’album, et n’hésite pas à tronquer ses riffs, à leur faire prendre une direction inattendue, à passer du coq à l’âne avec l’aplomb d’un homme politique qui s’adonnerait au mensonge, bref, nous avons bien là le Nocturnus, le vrai, celui de  "The Key".

La question finale est la suivante : est-ce judicieux d’engager un nouveau départ sur les cendres du tout premier album, quitte à sonner daté ? Parce qu’il faut bien l’admettre, "The Key" parle à tous les trente et quarantenaires, mais la nouvelle génération n’est peut-être plus sensibilisée à ce genre de metal. "Paradox" est plaisant, mais paradoxal, c’est un bon disque, mais ce qui avait fait la force de "The Key", c’était la période pendant laquelle il s’était pointé, et l’impact qu’il a eu est en partie dû au fait que le death proposé innovait par rapport aux autres productions d’antan. Pour être honnête, à choisir, je vais préférer m’écouter le premier opus de Nocturnus, mais malgré cela, Nocturnus AD est une tentative assumée de se positionner par rapport à une scène extrême qui se divise et se dilue, loin de la situation des années 90 où cela était effrayant et underground, avec un gros état d’esprit fraternel et provocateur, le death n’est pas mort.


Trrha'l
Juillet 2019


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/nocturnusad