"The Implosion Of Everything That Matters"
Note : 18/20
Après deux albums et un EP naviguant dans un style que l'on pourrait qualifier de post-core (mais qui propose en fait plus que ça, donc allez-y jeter une oreille), les Français de Nord sont de retour avec "The Implosion Of Everything That Matters" et un concept original. En effet, le groupe a décidé de faire cette fois un EP sans guitares, les remplaçants par des claviers, de la basse, des batteries à la fois acoustiques et synthétiques et des voix claires ou criées ! Bref, on sort du metal classique et on des sentiers battus par la même occasion, ce qui est toujours une bonne chose pour les oreilles curieuses.
On ne s'étonnera donc pas de voir que ce nouvel essai sort chez la Klonosphere qui a décidément le don de nous trouver des pépites qui expérimentent et nous changent un peu de ce que l'on écoute habituellement. La biographie fournie avec cet EP nous apprend que le groupe s'est inspiré de la synthwave, du shoegaze et du post-metal cette fois-ci, ce qui n'est pas étonnant vu les instruments utilisés. "Candles" ouvre le bal et on démarre effectivement sur quelque chose d'aérien avec des mélodies assez mélancoliques et une ambiance très posée et planante. Un premier morceau magnifique qui frappe en plein cœur et annonce déjà du lourd ! Il faudra évidemment avoir l'esprit musical assez ouvert puisque les sonorités se font forcément plus électroniques. Rien d'inaccessible cependant puisque comme d'habitude les mélodies et les émotions trouvent toujours un moyen de se frayer un chemin, l'expérimentation reste contrôlée et le groupe ne part pas vrille pour autant. "Truth Philters" se fait bien plus inquiétant avec un rythme un peu plus syncopé et de multiples cassures rythmiques. Mais là encore, les mélodies reviennent vite imposer leur marque et un groove indéniable se déploie pour un morceau rythmiquement plus entraînant. L'exercice de style que Nord s'est imposé sur cet EP lui permet de faire entendre une facette à la fois plus expérimentale et plus sensible de sa personnalité. Les émotions sont à fleur de peau, les mélodies sont plus aériennes ou planantes, les structures plus aventureuses et les ambiances globalement bien plus marquées.
Les confinements auront au moins servi à exacerber la créativité de certains, puisque même si "The Implosion Of Everything That Matters" ne dure que vingt-cinq minutes, il y pas mal d'idées là-dedans. Nul doute que cet exercice va rejaillir dans la façon de composer du groupe et que son prochain véritable album en bénéficiera d'une manière ou d'une autre. En attendant, sa courte durée donne envie de le relancer à peine terminé. Une voix féminine narrée et chantée en japonais, en l'occurrence celle de Yuki de Presence Of Soul, apporte une touche plus éthérée et presque fantomatique sur "Incantation" qui se montre lui aussi plus inquiétant et plus sombre. L'enchaînement avec les blasts et les courts délires noisy au début de "Sexorcism" est assez brutal et cette petite feinte fait son effet ! Un morceau d'ailleurs assez fou dans ses sonorités, ses changements de ton et ses structures régulièrement cassées. Même quand il semble péter les plombs, Nord arrive toujours à placer de sublimes mélodies et de très belles lignes de chant dans sa musique, créant par là un bon équilibre entre l'agressivité (pour les deux albums) ou l'expérimentation d'un côté (cet EP en l'occurrence) et les mélodies poignantes et qui invitent à l'introspection de l'autre.
Nord expérimente donc sur "The Implosion Of Everything That Matters" et arrive à placer des très belles mélodies et à laisser les émotions parler malgré une envie de défricher d'autres territoires. Cet EP ouvre de nouvelles portes au groupe qui va sans nul doute s'en servir pour nourrir sa musique et la faire encore évoluer à l'avenir. Une très bonne surprise vivement conseillée à tous ceux qui ont un minimum d'ouverture d'esprit et qui ne rechignent pas à sortir du metal pur et dur.
"The Only Way To Reach The Surface"
Note : 19,5/20
Quand je vois tout ce rose sur fond noir, je kiffe. Le format vinyle avec le disque intégralement rose me laisse rêveur. Rarement je n’aurai vu un artwork aussi proche de la musique qu’il recouvre. Explications.
Tout d’abord, le dessin est fin et enchevêtré. Les traits forment des courbes qui se croisent, se coupent, se rejoignent, s’entremêlent, et constituent une structure ultra complexe à l’image de la musique. L’essence même de Nord se trouve là, dans ces compositions alambiquées, où les termes post-rock et math-rock ne sont pour une fois pas simplement un effet marketing d’un groupe en mal d’identité.
Ensuite, le verso de la pochette illustre parfaitement bien la construction, la cohérence et la continuité de l’album. "The Only Way To Reach The Surface" fait partie de ces oeuvres qui méritent d’être écoutées intégralement. Mieux, vous n’en tirerez que la substantifique moelle qu’en procédant ainsi. Alors évidemment chaque piste individuellement est très bonne, mais personne n’apprécie La Joconde en regardant uniquement ses mains. Nord, c’est un récit, une épopée musicale faite d’éléments déclencheurs, de péripéties, de sentiments, d’émotions et de dénouements. Un schéma narratif en somme, que l’on retrouve au niveau de l’album mais aussi de manière isolé sur chaque morceau.
Enfin, ce contraste de rose flashy et de noir représente à merveille les violents contrastes de l’opus. La musique de Nord est partagée entre les extrêmes avec d’un côté une musique destructurée, ultra rythmée, où les distorsions font du charme aux hurlements, et de l’autre, des mélodies si douces et des passages tellement reposants qu’on en oublierait presque ce qu’on écoutait une minute plus tôt, et ce qu’on va prendre dans la tronche quinze secondes plus tard.
Je suis très troublé par ce disque. La technique est absolument irréprochable mais à aucun moment ce n’est une démonstration. Elle est toujours là pour servir le propos. Les émotions ressenties sont authentiques et la complexité accessible en fait une oeuvre à la durée de vie très longue.
Nous sommes le 9 Avril 2020 et si demain on me demande une définition de ce que peut-être le post-rock et le math rock, je tendrai cet album, tout simplement.
"And Now There's Only A River Left Behind"
Note : 16/20
Alors totalement inconnu jusqu’à ce que je reçoive leur album, Nord évolue dans un
mélange de post-rock et de hard rock. Créé en 2012 à Paris, il est composé de Thibault à
la batterie, Romain à la basse et aux samples ainsi que Florent à la guitare et au chant. Le
groupe sort un premier EP en 2015, et "And Now There's Only A River Left Behind", son
premier album en fin 2018. Vous ne savez pas à quoi vous attendre ? Tant mieux, vous
serez surpris.
L’album débute par "The Quiet Walker", un morceau à l’introduction assez énergique et lourde
qui… va s’apaiser en un rien de temps. Les riffs sont plus aériens, mais on sent que la
lourdeur peut revenir à tout moment. Le chant participe également à cet apaisement, mais il
est aisé de sentir que le combo va faire exploser sa rythmique à nouveau, et c’est un long
final qui tire vers le post-metal qui nous attend. On enchaîne avec "The Only Light", un titre
qui, cette fois-ci, débute tout doucement, avec un son rock alternatif, une rythmique
ponctuée d’harmoniques lentes et si la lourdeur ne revient pas à nos oreilles, elle est
dignement remplacée par un final atmosphérique au possible. "Ghost" change clairement de
registre avec des riffs apocalyptiques et psychédéliques qui met cependant en avant le
talent des musiciens à mêler leurs différentes influences avant de laisser place à une
instrumentale minimaliste. Puis de repartir dans leur folie, de se calmer, se laisser emporter
encore, osant même le blast avec brio.
Le premier riff de "Near Death Experience" est vraiment enchanteur, et la suite du titre est
tellement entraînant que les amateurs du style ne pourront que se laisser séduire. On peut
alors qualifier le projet de “barré”, mais également de “réfléchi” et “torturé” tant les
expérimentations sont présentes dans ce morceau, tout somme sur "Silent Shapes". Ce petit
interlude débute en force et ralentit d’un coup, pour nous offrir quelques notes au loin, pour
introduire "Watch This Burn". Cette composition reste calme, bien que quelques sursauts
d’énergie se fassent entendre, mais étrangement l’absence de violence ne me dérange pas,
tant elle est suggérée. Après l’extinction du son démarre "Holy Mountain", un autre morceau
qui témoigne directement de la créativité des musiciens et de leur influence très probable
pour un groupe qui a cessé sa carrière il y a quelques temps, mais également de leur amour
pour les samples.
A la suite de ça, "Ektos/Plasma" semble étrangement calme, mais l’alternance ce morceaux
fous et calmes a son charme, et permet d’apprécier le contraste évident que les Français
placent dans leur musique, y compris cette myriade de notes qui sont tout sauf
hasardeuses. Si vous aviez aimé la quiétude que le groupe est capable d’instaurer, vous
allez adorer "Xibalba" et sa basse vrombissante sur le chant profond de Florent, alors que si
c’est la violence et la puissance que vous attendez, vous trouverez largement votre compte
sur "And Now There’s Only A River Left Behind". La composition la plus longue de l’album
débute par un passage qui annihile toute forme de résistance au headbang, et enchaîne sur
des passages plus psychédéliques et dissonants, qui contrastent directement. Chaque
changement est une surprise attendue, et le final va en interpeller plus d’un. Je vous
conseille cependant de rester jusqu’à la fin, puisque "III: Radial Era", le titre bonus, pioche à
nouveau dans une folie énergique pour nous faire profiter une dernière fois du son
tumultueux de la bande.
Très diversifié et réfléchi, "And Now There’s Only A River Left Behind" est un album
surprenant qui possède des passages qui plairont à tout type d’auditeur. Les influences de
Nord sont parfois évidentes, parfois plus discutables, mais ce qui est sûr, c’est que le
mélange est unique. L’expérience live sera très probablement une performance incroyable,
car cette explosion sonore doit se vivre pleinement.
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