"Science, Not Fiction"
Note : 16/20
Il faudrait vraiment avoir vécu dans une grotte pour ne pas avoir au moins croisé le nom d'Orange Goblin puisque le groupe nous amène quand même son dixième album avec "Science, Not Fiction". Le groupe a toujours jonglé avec le stoner, le doom, le heavy et le gros rock qui tache avec un équilibre entre les trois variant d'un album à l'autre. Ne vous attendez donc pas à de gros changements, vous allez retrouver le groupe que vous connaissez bien et tant mieux puisque les bougres sont plutôt doués pour servir des cocktails whisky / huile de moteur bien goûtus.
"The Fire At The Centre Of The Earth Is Mine" ouvre d'ailleurs l'album sur une basse vrombissante qui amène un riff totalement heavy metal avec des mélodies que n'aurait pas renié Iron Maiden dans ses jeunes années. Du heavy metal certes mais quand même bien couillu et bien gras, l'esprit rock se faisant encore entendre dans les riffs et le groove destructeur qui incite inévitablement au headbanging sauvage. Un premier morceau très efficace, groovy en diable et très accrocheur qui démarre l'album sur les chapeaux de roues et balance la sauce sans se prendre la tête. Le groupe dit d'ailleurs ne pas avoir d'ambitions démesurées ni de prétention, il sait ce qu'il vaut et ce qu'il est capable de faire. Orange Goblin choisit donc de se faire plaisir tout simplement et une fois de plus ce plaisir est communicatif. "(Not) Rocket Science" enchaîne avec un bon gros rock encore une fois très accrocheur et très efficace, sans la moindre fioriture et blindé de riffs directs qui foncent droit au but. On sent que les morceaux ont été composés en visant l'efficacité maximale malgré une durée de cinq minutes en moyenne, même si "False Hope Diet" se permet quelques structures plus tordues et un côté plus doom par moments. En même temps sur sept minutes il aurait été dommage de ne pas en profiter pour placer quelques ruptures de ton, chose faite avec un certain brio puisque malgré son côté plus touffu ce morceau garde une bonne dose d'efficacité et d'accroche mélodique.
"Cemetary Rats", quant à lui, nous fait une belle feinte avec un démarrage lourd très doom lui aussi avant d'embrayer sur un rythme bien plus énergique à la Motörhead pour en faire le morceau le plus speed et nerveux de l'album ! On retrouve un côté un peu plus sombre que l'on pouvait parfois entendre sur le précédent album et qui s'illustre ici sur un morceau comme "Gemini (Twins Of Evil)". De quoi amener un peu de profondeur et quelques variations au milieu d'une musique très directe et efficace qui ne perd jamais l'efficacité de vue. C'est tout le talent du groupe de pouvoir mélanger mélodies, groove, gros riffs rock ou heavy et d'amener en même temps quelques ambiances plus fortes ou quelques passages plus complexes sur des morceaux plus longs. Orange Goblin jongle avec tout ça depuis suffisamment longtemps maintenant pour pouvoir s'amuser tranquillement et nous balancer une série de morceaux percutants et assez jouissifs. "Science, Not Fiction" ne bouscule pas la formule que l'on connaît bien mais fait entendre un groupe qui continue à envoyer du bois et à appliquer la dite formule avec un plaisir évident. Notons que la version CD digipack contient un morceau bonus, "Eye Of The Minotaur", un morceau bien gras et bien groovy qui prend le contre-pied total du dernier morceau de la version classique de l'album "End Of Transmission" plus lourd et un plus sombre lui aussi. Là pour le coup, ce morceau bonus fait dans le simple, le direct et le frontal avec de bons gros riffs rock bien gras et un groove qui ne fait pas dans la dentelle non plus.
Orange Goblin continue donc tranquillement sa route avec un dixième album tout aussi direct et jouissif que ses prédécesseurs. "Science, Not Fiction" ne bousculera pas les habitués du groupe mais leur donnera une nouvelle occasion de se mettre du bon son dans les oreilles.
"The Wolf Bites Back"
Note : 18/20
Gringotts n’est donc plus la seule institution d’intérêt public à être tenu par des gobelins. À vrai dire, et même si nous quittons le monde des sorciers pour revenir parmi les moldus, c’est déjà depuis 1995 que le stoner’n’roll made in UK est représenté par les quatre d’Orange Goblin. Bien plus proches du rockeur de base que du troll, le quatuor mêle et démêle depuis lors des albums entre heavy et stoner, entre Black Sabbath et Deep Purple.
Comme plébiscité par cette introduction de toute splendeur, les gobelins orange venus de Londres sont de retour avec leur neuvième album. "The Wolf Bites Back" ou dix titres suant l’alcool et le stoner’n’roll avec de grosses parties intimes. Sombre, efficace et rageur, Orange Goblin nous offre, comme son artwork, de quoi occuper nos prochaines nuits de pleine lune. Mais ne t’en fais pas, si toi aussi tu n’as jamais rien compris à cette histoire de lune, de croissant, de nouvelle ou de pleine lune, ce n’est pas grave. Orange Goblin est bien plus simple à appréhender. Vingt-cinq ans de carrière à distiller la même recette : du cuir, des grosses guitares, une voix couillue et de l’huile ("Burn The Ships", "Suicide Division", "The Wolf Bites Back"). "The Wolf Bites Back" n’échappe donc pas à la tradition de composition chez Orange Goblin. En cela, "The Wolf Bites Back" recelle des titres aussi heavy que stoner ou rock’n’roll ("Sons Of Salem", "Renegade", "Swords Of Fire"). Ajoutons à cela quelques passages plus posés, presque aux portes de la ballade, et "The Wolf Bites Back" nous révèle toutes ses facettes. Et même sans rougir ou pâlir ("The Stranger"). Même lorsqu’il vogue vers des sons plus chauds et moins lourds en basses dans les guitares ("Ghosts Of Primitives"). Face à tout cela, il ne restera donc plus que "Zeitgeist" pour clore ce neuvième opus de la bande menée par les couilles (et les vocales) de Ben Ward.
Bien évidemment, ce nouvel album n’apporte rien de bien neuf sous le soleil d’Orange Goblin. Ne boudons toutefois pas notre plaisir, "The Wolf Bites Back" est un condensé de ce qu’Orange Goblin fait de mieux lorsqu’Orange Goblin est au meilleur de sa forme. Alors si Orange est le premier réseau mobile de France, Orange Goblin est le premier décibel qui fera remuer "The Wolf Bites Back" aussi bien. Bref, Orange Goblin a les crocs !
"A Eulogy For The Damned"
Note : 18/20
Lorsque certains s’accordent 7ans de réflexion, d’autres préfèrent pondre 7 albums. C’est le cas d’Orange Goblin qui, après 6 albums produits chez Rise Above Records où ils ont pu s’associer le temps de deux EPs avec Electric Wizard ("Aquatic Fanatic" en 96 et "Chrono.Naut/Nuclear Guru" en 97), sont partis vers de nouveaux cieux et atterrissent chez Candlelight Records. L’enregistrement a été fait au Animal Farm Studio à Londres sous la houlette de Jamie Dodd et masterisé par Andy Jackson. Le combo nous livre donc l’album de leur maturité après 15 ans de vie. Au programme, de la technique, du rock et des poils.
Après "Healing Through Fire" en 2007, Orange Goblin revient fort et s’est apparemment laissé pousser la barbe et s’est mis à porter des pattes XXL. En effet, une belle surprise nous attend. Déjà avec la pochette et son comic déjanté old school : une mer de sang, un chooper, des miches, des démons tout droit inspirés des Weird Tales de Lovecraft… Concernant l’album, Orange Goblin pioche à droite et à gauche, surtout à gauche d’ailleurs, dans le vieux heavy 70’s, le rock barbu pour assaisoner leur excellente base stoner.
Le début de l’album est particulièrement imprégné de rock à la Motörhead et de heavy à la Sabbath. Ben Ward et sa voix rauque de buveur de Jack nous raconte des histoires improbables sur l’espace, le diable ou encore des dieux anciens… Il rend hommage à l’écrivain HP Lovecraft auquel il voue une grande admiration. Il se penche particulièrement sur sa nouvelle fantastique L’Appel de Cthulhu (thème abordé par Metallica avec "The Call Of Ktulu", "The Thing That Should Not Be" et "Orion") avec le morceau "Red Tide Rising", supporté par les riffs guitares saturés de Joe Hoare, avec un son proche de la perfection comme sur "Acid Trial", débutant avec un riff ultra accrocheur, un solo de guitare court certes mais d’une propreté improbable. S’en suivent des morceaux punchy et les riffs très mélodiques pleuvent généreusement, la batterie de Khris Turner tape dur sur ses peaux sans broncher sur "The Filthy And The Few". On appréciera l’excellent "Save Me From Myself", petit bijou de riffs rock et de technique vocale avec le chant du frontman qui évolue au fil des secondes, superbe. Orange Goblin nous tient sous tension changeant de tempo, comme sur "The Fog" très typé heavy old school. Ensuite, on sent que leur passage chez le label Rise Above Records (label du chanteur de Cathedral, Lee Dorrian) a laissé des traces… Le morceau "Death Of Aquarius", après un début à la Karma To Burn, tourne au doom à la Cathedral avec une ambiance plus froide, limite black. On a directement envie d’headbanguer sur "The Bishops Wolf" avec un passage guitare qui tue sa mère et toujours beaucoup de netteté dans le son. Pour le morceau final de l’album, Orange Goblin revient aux sources et part direct sur du pur stoner puis continue en prog pour terminer le morceau sur un long passage ambiant sublimissime qui est sûrement le plus travaillé de la galette.
Bref, il me semble que je n’ai trop causé stoner et pour cause… De la base stoner originelle, il ne reste que la trame, présente avec un côté lourd bienvenu mais discret, soutenant un heavy / rock pêchu, inspiré et efficace rappelant le travail excellent de Mastodon. Orange Goblin a effectué un virage à 180° et nous plonge dans leur nouvel univers résolument rock au sens très large et complexe car riche et divers. En un morceau, Orange Goblin réunit des styles apparemment incompatibles et les associe avec puissance. Vivement le Hellfest pour voir évoluer le groupe en live. En attendant, on patiente gentiment jusqu’à la St Valentin, jour choisi par Orange Goblin pour la sortie de leur album.
"Rise Above Albums Box-Set"
Note : 17/20
Voilà un coffret des plus copieux qui nous est proposé dans le tout nouveau "Rise Above Albums Box-Set" d’Orange Goblin avec pas moins de 5 de leur 6 albums entièrement re-masterisés. (Seul le dernier album "Healing Through Fire" sorti en 2007 manquera à l’appel).
C’est donc avec joie que je découvre que le premier album du groupe "Frequencies From Planet Ten" sorti en 1997 est à l’honneur dans la boî-boîte avec 12 titres dont la composition musicale ne laisse pas de marbre. A noter par exemple le début de "Magic Carpet", guitare plongée dans la wah-wah pour un effet des plus lounge / bluesy, le jeu du batteur en rajoutant une petite dose bien-sûr ; puis on passe à un stoner plus pur et dur avec un Ben Ward à la voix sableuse et ambrée, accompagné de guitares nerveuses et graves à souhait. S’établiront donc quelques variations des plus inattendues faisant assurément tout le charme du groupe.
A noter également dans cet album en bonus track une double version du très envoûtant "Saruman’s Wish" et d’"Aquatic Fanatic" aux tonalités astrales, rappelant fortement l’univers Kyussien.
Inutile de préciser que cet album est totalement barré, les tonalités cosmiques, planantes, voire psychédéliques envahissent certains passages, d’autres fois plus réservées, nous plongent dans un univers qui à forte dose peut rendre fou ! Nervosité et douceur à la fois, le mélange est des plus réussi, les prémices d’un groupe stoner prometteur sont belles et bien lancées.
(Pour ma part, je reste clouée par "Black Shapes Of Doom", dernier titre de la bête, avec un jeu de guitare d’une puissance extrême, entraînant et groovy à souhait, à écouter de toute urgence !).
"Time Travelling Blues", leur second album 12 titres sorti en 1998, se fond dans la continuité de son prédécesseur. Une voix tout aussi chaude et graillonneuse, des guitares écrasantes, machines à riffs dégoulinant et arpèges distordus, une batterie dont quelques éléments sont toujours un peu plus en retrait par rapport à d’autres (sur certains titres uniquement) mais suffisamment identifiables, choix réfléchi et stratégique du groupe, j’ose affirmer.
Encore des bonus track des plus alléchants (je le précise maintenant, chaque album en est doté) qui feront le bonheur des amoureux du quatuor Anglais. Au menu : une reprise du titre "Nuclear Guru", une session BBC en démo inédite de "Blue Snow", ainsi que la reprise de "Hand Of Doom" de Black Sabbath, sortit il y a près de 40 ans... Que demande le peuple !
"The Big Black" (2000) : en guise d’ouverture, une entrée des plus fracassante avec l’hyper-vitaminée "Scorpionica", au tempo rapide, dévastateur, très "southern", qui se fait tout à coup briser le cou par une composition plus envoûtante, puis un redémarrage en trombe beaucoup plus doom que stoner, si lourd et puissant qu’il en devient quasiment sludge. Une étape supplémentaire semble avoir été franchie à cette période de création du groupe, l’ensemble sonore se révélant bien plus fiévreux et baraqué.
A noter aussi, un retour en force de la batterie, bien plus en avant que sur les albums précédents.
En prime, une autre reprise de Black Sabbath : "Into The Void".(J’aurais omis d’évoquer la principale influence du groupe peut-être…?)
"Coup De Grace" (2002), 14 titres, un démarrage vraisemblablement… punk, presque hardcore dirais-je ! Tempo hyper rapide, riffs répétitifs, chant hurlé hautement mis en avant, saccadé, avec peu de variations fréquentielles, que l’on aime ou pas… ça remet les idées en place !
Il n’y aura cependant aucun abus de ce nouveau genre expérimenté par le groupe, que les puristes se rassurent, l’essence même d’Orange Goblin reste assurément présente, l’album s’avère simplement porter son nom à merveille. L’an 2000 semble être une période de transition sans équivoque, la rage et l’énergie musicale est à son comble, c’est donc bel et bien un coup de grâce auquel nous convie la formation, désormais épanouit et ça s’entend.
Une reprise de Motörhead ("No Class") et un featuring avec John Garcia (ex-Kyuss) dans "Made Of Rats", permettez-moi d’affirmer que l’on atteint là un certain paroxysme !
Enfin, "Thieving From The House Of God", sent la grosse prod créée dans les années 2000 (album sorti en 2004 très exactement). Faders poussés à burne et compression de mise, aucun élément n’est laissé au dépourvu ; la batterie se détache du lot, la basse gronde de ses plus beaux graves, les grattes ronronnent de leur crachat bien rond, tout en restant idéalement saturées, et la voix de Ben, le coffre gonflé à bloc, ressort aisément de l’ensemble rythmique.
C’est à cette période un tournant important auquel se confronte le groupe, récemment marqué par le départ de leur guitariste Pete O’Malley, remplacé sur cet album par Joe Hoare, dont les performances se font formellement remarquer.
C’est sûr, si l’ont fait un petit retour d’écoute du premier album sorti à peine 10 ans plus tôt, ça change !
Je vous laisse à ce stade juger par vous même du grain que vous chérissez le plus. Reste cependant un élément sur lequel il est impensable d’épiloguer : ces 65 titres étoffés de reprises et raretés en tout genre forment un petit bijou, indispensable à votre discothèque !
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