"Pro Xristou"
Note : 18/20
Le quatorzième album de Rotting Christ est enfin là. Créé en 1984 sous le nom de Black
Church, le groupe change de nom en 1987 et adopte peu à peu son identité sonore
actuelle. En 2024, les frères Sakis Tolis (chant/guitare, Thou Art Lord) et Themis Tolis
(batterie, ex-Varathron, ex-Zemial) dévoilent la sortie de "Pro Xristou", toujours issu de leur
collaboration avec Season Of Mist.
Le groupe est accompagné en live par Kostas Heliotis (basse / chant) et Kostis Foukarakis
(guitare / chant), et ont fait appel à Nikos Kerkiras (claviers), aux choristes Christina
Alexiou, Maria Tsironi (Neperia), Alexandros Louziotis et Vasilis Karatzas (choeurs),
ainsi qu’aux narrateurs Andrew Liles et Kim Holm pour la création de l’album.
L’album débute par "Pro Xristoy", une imposante introduction où on retrouve quelques riffs
assez simples et les parties vocales reconnaissables qui nous mènent à "The Apostate" où les
mélodies majestueuses viennent nuancer l’approche agressive du groupe et ses patterns
accrocheurs. Habitué du groupe, je suis certain que cette composition sera extrêmement
fédératrice sur scène, tout comme l’envoûtante "Like Father, Like Son" dont les harmoniques
planantes nous hypnotisent sans mal et le refrain nous donne déjà envie de chanter avec les
musiciens tout en nous laissant transporter par la rythmique. "The Sixth Day" prend
immédiatement une teinte différente qui se révèlera finalement mélancolique et assez
lumineuse, alors que "La Lettera Del Diavolo" développe une dynamique beaucoup plus vive,
usant d’un tempo survolté pour exprimer sa fureur. La voix féminine n’hésite pas à
enflammer à nouveau la rythmique lorsque celle-ci s’apaise en lui donnant des airs
théâtraux avant que "The Farewell" ne nous propose un court moment de répit, suivi de riffs
accessibles mais incroyablement motivants couplés à des parties vocales légèrement plus
douces qu’à l’accoutumée.
Claviers et voix nous offrent un break mystique avant de
reprendre leur vitesse normale pour rejoindre "Pix Lax Dax" où atmosphère épique et martiale
se mêlent pour rythmer notre marche entre les harmoniques naissantes qui nous ouvrent la
voie jusqu’à la pessimiste "Pretty World, Pretty Dies", qui puise dans ses racines les plus
ténébreuses pour alimenter le contraste avec les éléments les plus mélodieux de la
composition. Le refrain est une fois de plus très brut mais fédérateur, puis le groupe renoue
avec la froideur pour donner à "Yggdrasil" sa touche plus massive tout en créant des riffs
saccadés qui rivalisent avec les orchestrations grandioses, qui prennent tout leur sens sur le
final conté puis chanté. "Saoirse" vient mettre fin à l’album avec une basse fascinante qui
règne sur le morceau, laissant les guitares tisser leurs mélodies pendant que les choeurs
s’intensifient à nouveau, menant l’album vers son dernier combat, puis vers le silence.
Les éditions limitées disposent également de deux titres bonus, la lente et pesante "Primal
Resurrection" qui permet au vocaliste d’être plus directif sous les riffs haletants, ainsi qu’"All
For One" qui reprend une allure similaire tout en utilisant une rythmique beaucoup plus lisse
propice aux différentes harmoniques entêtantes.
Rotting Christ n’a plus besoin de faire ses preuves, que ce soit sur album ou sur scène, et
c’est avec un "Pro Xristou" fidèle à ses récentes influences que le groupe s’illustre. L’album
sera immédiatement adoré des fans, tout en permettant aux nouveaux venus de découvrir
l'aspect le plus majestueux.
"The Heretics"
Note : 12/20
Trois ans après l'excellent "Rituals", Rotting Christ revient avec son treizième opus, "The Heretics".
Et là ou leur précédent avait fait la différence en redonnant un souffle nouveau, ce n'est plus le cas pour ce dernier album.
En effet, même s'il n'a rien de rédhibitoire, la plupart des morceaux restent plats et sans profondeur.
On a du Rotting Christ certes mais sans forme,sans réelle passion, terne.
Les riffs martiaux ont beau être de la partie, on a l'impression que c'est toujours les mêmes et l'énergie est comme fabriquée sans être réelle.
On a ainsi comme une sorte de brouhaha de batterie répétitive loin d'etre agréable dans "I Believe",.
puis de nombreuses longueurs, notamment dans les titres "The New Messiah" et "The Time Has Come".
Même "The Raven" avec le texte du maître Edgar Allan Poe est loin de nous conquérir.
On se rend vite compte que le point fort de l'opus ce sont les chorus religieux tout au long de l'écoute qui sont hélas le seul élément qui nous paraît sortir du lot et avoir un réel intérêt.
C'est le cas pour "Dies Irae" et "Hallowed Be Thy Name" avec ces chants si beaux qui forcent le respect et qui créent une atmosphère bien particulière.
Mais voilà, le problème c'est qu'a côté rien ne se passe...
On a un comme un reste de vieux riffs réutilisés et cela paraît franchement très léger.
Sinon, il y a bien des morceaux assez agréables mais qui restent loin d'être à la hauteur de ce que l'on attendait du groupe.
Heureusement, on a un coté un peu original grâce à un chant russe féminin dans "Vetry Zlye" ou encore un morceau plus mélodique avec "Heaven And Hell And Fire".
"Fire, God And Fear" est un peu plus captivant, tout comme l'est "In The Name Of God" avec ses parties martiales.
C'est donc quand même la déception qui nous habite après cette écoute qui se trouve être bien en-dessous par rapport au reste de la discographie pratiquement sans fautes des Grecs.
Les chorus ont beau faire leur effet, ils servent plus de remplissage alors qu"ils auraient dû sublimer une musique plus travaillée et plus riche.
Dommage.
"Rituals"
Note : 18,5/20
C'est trois ans après un "Kata Ton Daimona Eayto", qui marquait un tournant pour le duo fraternel, que nous les retrouvons regonflés à bloc pour nous en mettre plein la tète et accessoirement les oreilles !
Themis et Sakis nous présentent donc le douzième opus de Rotting Christ, le bien nommé "Rituals", sorti chez Season Of Mist.
Dès les premières secondes on retrouve la bestialité et la puissance propres au groupe, surtout que la production est énorme !
C'est toujours aussi tribal, plein de rage et de dynamisme,
et cet opus confirme la règle.
Ici, il n'y a rien de mou, même la force, sur des morceaux plus ambiancés, est toujours présente.
On a ainsi d'exelllents titres ultra énergiques comme "In Nomine Nostri" ou "Elthe Kyrie" avec la voix et les cris surprenants d'une chanteuse et actrice grecque (Danai Katsameni).
Ce morceau est rapide et surprenant avec une bonne dose de folie.
On retrouve bien sûr l'essence du groupe dans les riffs et les chorus
mais Rotting Christ s'est éloigné de sa zone de confort et nous propose du changement.
En effet, ils ont dilué tout ce qui fait leur identité avec d'autres éléments,
et c'est une bonne chose car les Grecs tournaient un peu en rond en nous proposant toujours un peu la même chose depuis quelques albums.
Dans cet album, il y a une atmosphère plus sombre, plus planante, bien que cela reste tribal.
C'est plus varié, avec de nombreux chants et voix, les riffs se font parfois plus torturés et rapides ou plus mélodiques.
Et comme l'indique le titre de l'album, on a affaire à un rituel, l'atmosphère générale est en adéquation totale.
"Ze Nigmar", inquiétant et froid, est vraiment réussi, alors que "Apage Satana" est un peu moins intéressant.
On a de belles surprises aussi avec des reprises d'artistes grecs totalement remaniées,
c'est même bluffant !
"The Four Horsemen" du groupe Aphrodite's Child, qui est de base plutôt léger, devient carrément sale, saccadé et torturé.
On a aussi une belle surprise avec "Devadevam" qui est chanté en marathi par le Singapourien Kathir.
C'est un titre shamanique, hypnotique ou quelque chose dans ce genre-là en tout cas.
On retrouve aussi Nick Holmes de Paradise Lost pour le morceau entraînant, vivant et plein de subtilité, "For A Voice Like Thunder".
Le gros coup de coeur est "Konx Om Pax",
c'est juste LA grosse claque de l'album !
Les riffs sont vraiment pesants et glacials,
c'est oppressant, puissant, ça respire la mort et cela donne des frissons !
Les arrangements sont aussi au top avec quelques vocalises féminines terrifiantes rajoutant de la profondeur.
En fait, le seul point négatif de ce "Rituals", c'est titre "Les Litanies De Satan",
on pourrait s'attendre à une tuerie mais c'est loin d'être le cas.
Le texte de Baudelaire conté par Vorph de Samael, donc en français, est bien plat et la musique ne développe rien de particulier...
Du coup, il ne se passe rien de très palpitant et c'est bien dommage.
Malgré ce titre qui est carrément en dessous du reste, il s'agit sans doute de l'un de leur meilleurs albums !
Il regroupe tout ce que l'on aime chez ce groupe unique avec une nouvelle dimension plus prenante, ce qui le rend si complet.
Les compositions sont riches, massives et passionnées,
elles nous prennent littéralement aux tripes.
C'est une belle réussite !
"Kata Ton Daimona Eayto"
Note : 14/20
Les deux frères grecs, piliers de leur groupe Rotting Christ, nous présentent leur onzième album "Kata Ton Daimona Eaytoy" via Season Of Mist.
Themis sest ainsi occupé de la batterie et Sakis du chant et des autres instruments.
La musique black metal extrême typique du groupe est toujours aussi reconnaissable en alliant la puissance trivials à un côté plus mélodique.
Ils ont grandi en maturité depuis leurs débuts en 1987 et ont ainsi évolué d'album en album.
Les sujets de leurs paroles se sont aussi aussi diversifiés.
En plus de l'occult, la spiritualité, l'anti-christianisme et la mythologie, ils se sont intéressés aux cultes anciens ou plus moderne des civilisations à travers le monde tel que les Incas, Roumains, Perses...
"In Yumen", le premier titre de cet album, nous invite à un rituel hypnotique avec des voix et ambiances étranges.
Puis, il devient plus énergique et parfois saccadé ou plus planant.
Ce morceau se révèle varié et assez difficile à cerner car il en devient complexe.
Ensuite, on voyage chez les Incas avec "P'unchaw Kachun" qui est un hymne sacré pour l'empereur Pachacutec.
La rapidité, la force, et les chorus puissants et entraînants sont au rendez-vous avec de jolies mélodies bienvenues qui rajoutent un côté atmosphérique et épique.
Puis, la spiritualité et l'occult se rejoignent sur "Grandis Spiritus Diavolos",
ce morceau est clairement plus typé heavy / hard rock, ce qui est assez déroutant.
Il est également moins rentre-dedans et à part des parties de chant superbes, la musique n'est pas assez accrocheuse et bien trop répétitive.
Avec "Kata Ton Daimona Eaftou", on repart sur du lourd !
En effet, c'est lourd et pesant avec des moments plus rapides,
les parties de batterie sont très bien trouvées et les accélérations et ralentissements nous tiennent en haleine.
"Cine Iubeste Si Lasa" est un morceau traditionnel roumain interprété ici par la chanteuse Suzana Vougioukli.
Le début est très calme et décalé avec le piano comme seul instrument, accompagnant sa voix assez spéciale, la langue doit y être pour quelque chose aussi.
On met donc un certain temps à savoir si on aime ou non.
Puis, au milieu du titre, les instruments metal font leur entrée pour retrouver le gros son à la Rotting Christ !
Sakis chante à tue-tête le refrain avec Suzana, ce qui est génial !
C'est un morceau étrange et original qui vaut le détour.
Ensuite, nous partons pour Haiti et ses légendes dans "Iwa Voodoo".
On évoque ici les Locas qui sont des esprits haïtiens faisant le lien entre dieux et les humains.
En l'écoutant, on s'imagine vraiment bien les esprits et les cultes voodoo, c'est bien réussi.
Vers la fin, dommage qu' un passage de clavier plus meétal progressif et moderne tombe un peu comme un cheveu sur la soupe...
"Gilgames" raconte la quête du roi Ourouck pour l’immortalité.
C'est trivial et poignant, on peut vraiment affirmer qu'ils n'y vont pas de main morte en Grèce !
On y trouve un très beau passage plus aérien qui tranche bien avec le reste.
Ensuite, "Rusalka" nous compte une légende russe parlant d'esprits malsains qui noient les enfants dans des fosses.
Plus sombre mais peu varié musicalement, on s'ennuie assez vite.
Heureusement que les différents chants et surtout les chorus masculins sont là.
Dans "Ahura Mazda-Anra Mainiuu", on évoque Ahura Mazda qui est une divinité d'Iran considérée comme un dieu suprême.
On retrouve les vocalises féminins qui étaient un peu la signature du précédent album "Aealo",
et ce n'est pas pour nous déplaire, même s'ils sont plutôt rares.
C'est un titre varié et mélodique qui sort du lot et qui aurait mérité d’être mis plus en avant dans l'album.
La puissance est toujours là mais de façon plus diluée, ce qui est intéressant.
"666" a le mérite d’être clair sur le sujet abordé.
Il s'agit de paroles récitées avec un riff de guitare et la batterie en fond.
On ressent encore plus l’atmosphère planante et ésotérique quand tout devient plus sombre ensuite.
A la fin, des chorus plus puissants font une entrée remarquée.
Et enfin le titre bonus "Welcome To Hell" n'est pas transcendant et n'apporte rien de nouveau.
Malgré des sujets divers et originaux, cet album contient beaucoup trop de titres se ressemblant.
Le temps devient alors un peu long durant ces 11 titres.
Certes il s'agit tout de même d'un bon album mais pas à la hauteur de "Aealo", et sans réel coup de coeur.
"Aealo"
Note : 18/20
Lorsqu’on a l’impression que Rotting Christ a sorti un album au summum de son talent, il parvient malgré tout à démontrer qu’il n’a pas encore terminé d’en démordre avec une nouvelle sortie qui laisse le public tout simplement ébahi de surprise ! Février 2010 : sortie d’"Aealo", le onzième disque de sa discographie.
"Aealo", le terme grec signifiant "Catastrophe", signalons-le. Représentatif de l’ensemble ? Grands dieux, non ! Trois fois non ! Et heureusement ! Mais "Aealo", une catastrophe pour les formations concurrentes ? Certainement ! Le Rotting Christ cuvée 2010 se montre imposant, théâtral, sans jamais devenir pour autant inutilement pompeux. Et les Grecs semblent toujours aussi profondément ancrés au plus profond de leurs racines helléniques. Ambitieux, Rotting Christ s’est entouré d’une pléthore de musiciens, venant de différents horizons, et tous plus talentueux les-uns que les-autres. Jugez plutôt : Alan A. Nemtheanga (Primordial), Magus (Necromencia), du groupe expérimental Dirty Granny Tales, de l’inimitable Diamanda Galàs, et d’autres personnalités encore, pour la plupart tout droit venues de Grèce. Le résultat a donné naissance à un disque inspiré d’une richesse absolue, où les rythmiques martiales et les lignes d’une mélodie parfois simple, mais entêtante, se croisent, se marient à merveille aux instruments traditionnels (comme il en est de mise sur "dub-sag-ta-ke") ou à des chœurs majestueux.
De nombreuses écoutes seront nécessaires –pour ne pas dire directement obligatoires- afin de percevoir tous les moindres détails qui participent à cette atmosphère mystérieuse. "Orders From The Dead" clôture cet album en grandes pompes grâce à ses presque neuf minutes étourdissantes, portées par la voix hypnotique de l’extraordinaire Diamanda Galàs ! Cette musicienne et chanteuse américaine, pourtant peu habituée à un registre metal, nous apparaît imposante, et ô combien mystique sur ce dernier titre, dramatique, lyrique et inquiétant. Différent et incontournable à la fois. Une fois de plus –et pour combien de temps encore ?– le frontman Sakis à la voix éraillée nous immerge dans son univers ésotérique, énigmatique et ténébreux sans que quiconque ne soit capable de lui opposer de résistance, tant cet univers sibyllin attise la curiosité, pour ensuite devenir vital.
Le disque du mois, pour celle qui écrit ces lignes. Et de loin !
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