"Avstand"
Note : 14/20
Après "Introvert" en 2018, Slegest revient avec son quatrième album "Avstand" et ne devrait pas dépayser grand-monde puisqu'on retrouve ce black'n'roll froid et groovy que le groupe nous balance depuis ses débuts. Le format n'a pas changé non plus et on retrouve donc un album de trente-deux minutes qui ne perd pas de temps et fait au plus direct.
"Innsikt" démarre l'album et on comprend bien vite que Slegest vire de plus en plus vers le rock puisqu'on a l'impression d'entendre une sorte de Motörhead avec un son plus tranchant sur les guitares, des ambiances un peu plus froides et une voix typiquement black metal. C'est basique avec des accords très simples, ça ne va pas chercher midi à quatorze heures et ça envoie du gros rock sale sans se prendre la tête. Du coup, même si c'est plutôt sympa et que l'ensemble passe bien, on se réjouit que cela ne dure qu'une trentaine de minutes parce qu'un metal aussi dénué serait devenu ennuyeux sur la longueur. Là, avec la durée très compact de "Avstand", c'est bien équilibré et les morceaux s'enchaînent vite, les quelques mélodies plus froides apportant juste ce qu'il faut de profondeur. "Evigheit På Evigheit" suit en deuxième piste et prend carrément des airs de vieux punk avec son tempo plus enlevé et ses riffs là encore très simples et crades. "Forløysning Og Rus" prend lui aussi des airs plus sales et plus froids pour flirter un peu plus fortement avec les racines black metal. Le groove rock est toujours là et le son relativement gras de la basse rappelle cette filiation qui là encore renvoie à Motörhead. Vous vous doutez bien que vous ne risquez pas de croiser le moindre blast par ici, les sonorités black metal passent surtout par la froideur de certaines mélodies et le chant, pour le reste c'est plus du rock'n'roll teinté de black que l'inverse.
"Vinterkristus" est probablement le morceau le plus black metal du lot avec son rythme plus nerveux, ses mélodies froides et assez sales là encore et un feeling qui évoque certains des albums de Darkthrone post-"Sardonic Wrath". On sent le feeling rock évidemment mais aussi quelque chose de plus vicieux dans les riffs, une attaque plus rageuse que les autres morceaux ne font pas ressentir à ce point-là. C'est donc un petit rappel des origines black metal qui fait du bien et qui change légèrement de registre dans un album tout de même assez homogène et très direct. On entend d'ailleurs que, contrairement à la plupart des groupes de metal, la basse ne se contente pas de suivre les guitares et sert vraiment de section rythmique, là encore comme dans le rock. Elle est aussi bien mise en avant et n'est pas cachée par les guitares ce qui tranche là aussi avec l'utilisation qui en est faite dans la plupart des groupes de metal et confirme une fois de plus si besoin en était les influences purement rock. Et ce qui enfonce encore plus le clou, c'est la présence en fin d'album d'une reprise du "Oh Baby" de Status Quo, un morceau qui s'intègre parfaitement au tracklisting de "Avstand", c'est vous dire à quel point la musique du groupe est plus proche du rock que du black !
Slegest reste donc fidèle à lui-même et nous délivre un nouvel album qui croise le black metal et le rock avec une plus grande dominance de ce dernier. On a donc une petite demi-heure très directe, avec des riffs simples qui vont droit au but et quelques ambiances plus froides pour contrebalancer ce tempo très rock justement. Pas de quoi se taper le cul par terre mais "Avstand" fait bien le boulot et ça groove suffisamment pour que ça passe tout seul.
"Vidsyn"
Note : 17/20
Il y a une remarque que j’entends souvent de la part des gens qui sont fans de Slegest : au début, ça n’a pas été le coup de coeur mais au final c’est vraiment bien ! Et bizarrement, je partage cet avis. Je me souviens que ma première rencontre avec Slegest m’avait un peu laissé sur ma faim. En même temps, je ne blame pas le groupe, je n’avais alors jamais écouté leur album, et j’étais arrivée à leur concert avec la grâce d’un éléphant au triple galop. Mais le fait est qu’après une écoute du dit album, et un nouveau concert, j’étais totalement conquise. Au final, je trouvais ça foutrement entraînant et c’était une proposition musicale qui m’inspirait. Aussi, quand ils ont annoncé "Vidsyn", j’étais plutôt enchantée.
L’album s’ouvre donc sur "I Fortida Sitt Lys" avec une petite introduction en norvégien qui me réjouit parce que... j’adore écouter du norvégien parlé. Ne me jugez pas. Ce qu’il faut retenir de ce premier titre ? Slegest continue sur le même chemin que l’album précédent, et c’est toujours aussi entraînant. Les vocaux d’Ese ont cette empreinte si caractéristique, et donnent une véritable identité au groupe. Suit "Som I Eit Endelikt" qui s’impose comme un savant mix entre le black metal et un côté plus rock’n'roll. Elle envoie sérieusement du pâté cette chanson.
Vient ensuite "Du" qui me réjouit encore plus car... il y a des chèvres dans l’histoire. L’artwork aurait pû être révélateur à ce niveau là mais... j’avoue qu’à la première écoute, j’ai été vraiment surprise. Et d’autant plus ravie car cela confirme ma théorie selon laquelle les norvégiens sont vraiment obsédés par les chèvres. Vraiment. Musicalement, Slegest cherche à imposer une ambiance tendue et sombre. Le projet est abouti, et les musiciens maîtrisent leur sujet. Une véritable maturité s’exprime ainsi sur cet album. Avec "Komfortabelt Nommen Midtvekes", j’en arrive à une conclusion : la véritable force de Slegest ne réside pas dans la technicité de leur musique mais vraiment dans la puissance qu’ils expriment malgré tout. Et pour quelqu’un comme moi qui peut très vite être blasée quand une écoute se transforme en démonstration technique... c’est très bien. Il y a un véritable côté groovy dans ce "Vidsyn", encore plus évident que dans l’album précédent.
Suit "Wolf", titre pour lequel le groupe a sorti un clip vidéo. Et c’est sans doute l’une des chansons les plus marquantes de l’album : rentre-dedans à souhait, sans fioritures, et très propre. Une belle réussite. Mon impression plus que positive se confirme avec "The Reanimator" qui continue d’appuyer là où il faut, sans jamais en faire trop. Slegest est désormais bien rôdé, pour notre plus grande plaisir. L’album se termine avec "Inn I Uvissao" qui est un morceau plus que solide avec des changements de tempo réguliers, mais toujours entraînants.
Je vais faire simple : Slegest c’est génial. C’est vraiment l’un de ces groupes sur lequel on tombe par hasard et qu’au final on ne quitte plus jamais. Les musiciens sont très bons, n’en font pas tout un plat, et réussissent à imposer une atmosphère qui leur est propre. "Vidsyn" est une véritable réussite qui démontre une nouvelle fois, si des gens en doutaient encore, que Slegest est une force sur laquelle compter dans la scène norvégienne. Et personnellement, je suis pressée d’en voir plus, que ce soit en live ou en album.
"Løyndom"
Note : 14/20
Slegest est un nouveau groupe formé par Ese, ancien Vreid, qui sort là son premier album "Løyndom". Rien que ça devrait permettre à tout le monde de savoir dans quel registre il évolue cette fois, mais j'avoue que Slegest réserve une surprise dans sa façon d'approcher le genre.
Oui parce qu'on se doutait tous qu'après être passé chez Vreid, le bonhomme redonnerait dans une sorte de black 'n' roll, mais personnellement je ne me doutais pas qu'il allait pousser le bouchon aussi loin. C'est plus du vieux hard rock / heavy orienté 70's avec une voix black, et ce sont bien les riffs à la Black Sabbath voire même des mélodies à la Iron maiden qui prennent le dessus cette fois ! Forcément vu le style pratiqué, les rapprochements avec Satyricon ou Khold seront inévitables, mais comme je le disais à l'instant, Slegest va encore plus loin et fait un véritable hommage aux groupes des années 70 là où les autres ne mettent que quelques touches au milieu de leur black metal. D'ailleurs pour ce qui est du black, on retrouve quand même une ambiance assez sombre en plus de la voix arrachée, on a en gros l'impression d'headbanguer dans une chambre froide. Rien de nouveau dans le fait de mélanger tout ça, mais la façon dont c'est fait rend paradoxalement la musique de Slegest plutôt personnelle. On a quand même un morceau en plein milieu de l'album qui crée un contraste avec le reste, "The Path Of No Return" délaisse un peu les influences 70's pour s'aventurer sur un terrain bien plus mélancolique et pas très éloigné de ce que pouvait faire un Katatonia période "Brave Murder Day".
Alors certes il n'y a pas de quoi crier à la révolution, mais même si ce mélange d'influences a déjà été fait, on sent que c'est vraiment sincère chez Slegest. La cohabitation des styles se fait plus naturellement que chez la plupart des autres groupes qui donnent dans le black 'n' roll, là c'est la vraie passion et la vraie culture de ce genre de musique chez Ese qui s'exprime pleinement. Même pour moi qui n'accroche pas plus que ça à ce genre de mixture en général, j'avoue que l'album passe bien, mieux que ceux de ses concurrents en tout cas. Il faut dire que la faible durée de l'album aide bien, pas le temps de sentir les lourdeurs et autres passages à vide très fréquents dans ce genre de musique. Slegest va droit au but, on ne perd pas de temps en pseudo expérimentations ou morceaux à rallonge. En fait, le dosage entre le black et le côté rock n'est simplement pas le même que ce qu'on a l'habitude d'entendre, chez Slegest c'est plutôt le côté rock ou heavy qui prend le dessus, le côté black ne servant finalement qu'à amener des ambiances plus froides.
On reste donc dans quelque chose de simple d'approche et plutôt basique, il n'y aura pas besoin de toute une pelletée d'écoute pour saisir le propos de Slegest. C'est juste un concentré de groove froid en quelque sorte, et le fait que l'album ne dure pas plus de 35 minutes permet d'en profiter sans subir de baisse de régime. En tout cas ça devrait être extrêmement efficace en live, puisque si le projet est à la base dirigé uniquement par Ese, il faut savoir qu'il a formé un line-up en vue de faire au moins quelques concerts.