"Godform"
Note : 18/20
Suivons l’évolution de The Last Of Lucy. Deux ans après son retour, le groupe composé de
Gad Gidon (guitare), Josh de la Sol (chant, Asura), Derek Santistevan (basse) et Josef
Hossain-Kay (batterie) dévoile "Godform", son troisième album studio, chez Transcending
Obscurity Records.
L’album débute sur "Wormhole" qui nous rappelle immédiatement la violence et la complexité
des riffs du groupe. Blast effréné et riffs perçants se mêlent aux vociférations infernales pour
créer un torrent de fureur haletant qui accueille de temps à autres quelques mosh parts
efficaces avant de céder sa place à "Empyreal Banisher" où la lourdeur s’ajoute au mélange
déjà explosif. Un break inquiétant mais plus calme permet de tempérer la vague de férocité
alambiquée, puis le groupe repart à toute allure avec "Twin Flame", titre aux leads
probablement influencés par des forces extraterrestres au tapping survolté. Les parties
calmes empruntées au jazz et son saxophone nous apaisent à peine, avant de laisser la
courte "Shedim Seance" nous hypnotizer pour mieux frapper en continu, profitant d’une
dissonance oppressante pour nuancer sa puissance.
"Sanguinary Solace" prend la suite avec
une approche similaire qui met les riffs intransigeants à l’honneur pendant que le vocaliste
vocifère avec ardeur, tout comme sur "Sentinel Codex" où les pointes de leads torturées
rivalisent avec la rythmique saccadée. Les parties vocales imposantes dictent littéralement
l’allure jusqu’à ce final abrupt qui débouche sur "Darkest Night Of The Soul" et ses mélodies
déchirantes qui s’écrasent sur une base parfois groovy, mais toujours accrocheuse.
Nouvelle éruption de brutalité contrôlée sur "Angelic Gateway", morceau ponctué de pauses
techniques qui passera cependant très rapidement, puis c’est avec "Anima Flux" que le
groupe va se charger de nous briser la nuque, enchaînant les mosh parts avec des breaks
assommants, mais l’album arrive déjà à ses derniers instants avec la vindicative "Godform"
qui donne envie de se jeter dans la fosse pour tout type d’exercice physique avec pour seul
et unique répit ce court passage mystique et mystérieux.
The Last Of Lucy a conservé sa folie tout en renforçant sa puissance de frappe et sa
technicité avec "Godform". L’album passe bien trop vite, mais ses leads sont si travaillés qu’on
ne s’en lasse absolument pas !
"Moksha"
Note : 16/20
J’avais découvert The Last Of Lucy à la sortie d’"Ashvattha" et j’avais pris une claquouse monumentale ! C’était en 2017 et il faut dire que l’usage du saxophone, chose étonnante dans ce genre-là, ajouté à des synthétiseurs qui intervenaient à bon escient là où certains groupes en abusent, et le mélange entre le côté technical death et cette sensation prog’, tout cela démontrait que la formation californienne se démarquait de ses congénères tels qu’Equipoise, Inferi, ou encore Archspire. "Moksha", sorti en Février 2022, marque une évolution assez tranchée, car le groupe s’est délesté de certains bagages pour n’emporter dans son voyage musical que l’essentiel, du matériel rudimentaire. En effet, au revoir le saxophone et les synthétiseurs, le groupe a décidé de ne plus s’emmerder avec des "pouet pouet" et propose une musique tout autant technique, mais nettement plus rentre-dedans ! A ce sujet, l’artwork lui-même atteste de cette évolution notable, on est dans un délire bête monstrueuse Lovecraftienne / alien, comme pas mal de groupes actuels qui mettent des gros momonstres sur leurs pochettes : Hideous Deformity, Acranius, Within Destruction, alors que le précédent opus avait plutôt un côté science-fiction old school avec ce cerveau, cette pyramide et ces champis chelous, le tout agrémenté de nombreuses couleurs qui font trip 70’s sous LSD.
Dès le départ, c’est un rondin balancé à plein régime dans la tronche comme dans la scène de Destination Finale 2 où la tête du flic se retrouve éclatax telle une pastèque trop mûre. Le son est massif, le riffing assumé, le drumming à la fois fourni, frénétique et groovy, le chant qui alterne entre des aigus perçants et des mid / low vocals profonds et engagés est monstrueux, la basse bien distincte, les 10 tracks turbinent à 200 à l’heure pour notre plus grand plaisir. On retrouve pas mal d’influences, déjà, les nappes omniprésentes en fond dans le mix évoquent immédiatement toute cette nouvelle scène actuelle, tous ces groupes de l’écurie Unique Leader Records. C’est surprenant d’ailleurs que ce label ne leur ai pas mis le grappin dessus tant The Last Of Lucy s’inscrit complètement dans la direction artistique actuelle de la célèbre maison de disques américaine. C’est d’autant plus étonnant que ce soit Transcending Obscurity Records qui produit et distribue "Moksha", ça fonctionne et c’est cohérent par rapport au catalogue du label indien, mais ce n’est pas franchement représentatif non plus de l’imagerie que Transcending Obscurity défend. Peut-être que T.O.R s’est tout simplement attaché à la formation américaine par rapport au fait que leurs albums évoquent tous des concepts issus de l’indouisme, Moksha étant, dans le Jaïnisme la libération de l’âme, et Ashvattha est le nom de l’arbre sous lequel Bouddha s’est éveillé. Autres influences notables, et forcément je ne vais pas trop me mouiller, on est en plein dans le genre technical tel qu’il est représenté actuellement, je citerai The Faceless, Equipoise, Archspire ou encore Inanimated Existence. L’avantage de The Last Of Lucy c’est que si vous aimez la complexité sans que celle-ci prenne le dessus sur le songwriting, eh bien là, vous vous y retrouverez. Les structures sont assez identifiables, d’ailleurs, la forme de certaines compositions ainsi que le son évoquent The Black Dahlia Murder, notamment dans cette capacité à susciter un story telling cohérent dans chaque composition. Entre deathcore moderne dystopique technique et moments plus épiques (toutes proportions gardées), entre violence soutenue et passages délirants, comme sur "Ego Death" qui flirte avec Psyopus ou SikTh, The Last Of Lucy nous assaisonne copieux du début à la fin.
Quel bonheur d’être tombé sur ce disque, mais quelle ne fut pas ma surprise de constater une telle évolution ! Alors, est-ce que l’ancien the Last Of Lucy me manque ? Assurément pas ! La production est actuellement plus précise, les compositions misent encore plus sur le côté bourrin de la force, exit les ambiances et jolies nuances qui jonchaient "Ashvattha", ces parties qui pouvaient inspirer King Crimson, ou proposer de magnifiques moments jazzy moderne, nocturne et suave. En même temps, c’est super de pouvoir avoir les deux facettes du groupe, une plus contrastée, et l’autre plus compacte, selon votre mood, vous allez pouvoir choisir l’un ou l’autre de ces albums, du coup il vous faut vous procurer "Ashvattha" ET "Moksha". Quoi qu’il advienne, la formation californienne propose toujours un metal de qualité, violent et technique à souhait, le tout soutenu par un songwriting efficace, un groupe à découvrir et à soutenir !!
|