Après un EP en 2014 et un premier album en 2017, les Danois de Tongues reviennent avec leur deuxième album "Formløse Stjerner" toujours chez, I Voidhanger Records, ce qui devrait vous donner une idée de l'anticonformisme de la chose. Difficile à situer comme la plupart des groupes de ce label, on pourra tout de même avancer l'étiquette de death / black metal dissonant et chaotique histoire de situer vaguement la bête.

Le niveau d'exigence et d'attention que l'écoute va vous demander se comprend rapidement aussi puisque ce deuxième album ne présente que quatre morceaux pour trente-huit minutes, donc trois pistes entre sept et huit minutes et un dernier pavé de quinze minutes pour terminer la fête. La biographie fournie par le label nous indique "Pour les fans de : Disembowelment, Mitochondrion, Ruins Of Beverast et Ved Buens Ende", vous savez donc qu'on va être en présence d'une musique extrême lourde et dissonante avec d'évidentes envies d'expérimenter et de défricher de nouveaux territoires. C'est donc "Elder Fire" qui nous accueille et après quelques secondes ambiantes qui installent déjà un climat inquiétant, ce sont des riffs plus sinueux et fortement imprégnés de death metal qui prennent le relais et installent une ambiance plus poisseuse qui se croise avec des leads plus froids et dissonants. Le up-tempo qui suit sent lui aussi le death metal et le souffre, un petit feeling old school pas déplaisant s'installe aussi au milieu de ces quelques fragrances plus black metal et plus froides. Malgré les multiples changements de rythmes et d'ambiances, on sent une cohérence indéniable, un lien entre toutes les parties qui fait que jamais le groupe ne donne l'impression de balancer un passage au hasard. Tout ça a été travaillé et cela s'entend, le chaos est totalement contrôlé et on ne tombe pas dans les travers de certains groupes qui deviennent tellement magmatiques qu'il en devient difficile de comprendre ce qui se passe ou de retenir quoique ce soit. Ici, il y a toujours une accroche relative, que ce soit par des ambiances évocatrices, quelques mélodies plus mémorisables et lumineuses ou cet excellent solo de guitare sur la fin de ce premier morceau justement.

Et puis il y a cette ambiance poisseuse qui imprègne tout l'album, même quand le groupe part en up-tempo comme par exemple sur "Awake In The Machrochasm", il y a cette couche de boue qui sort des guitares et dégouline de nos enceintes pour atterrir tout droit dans nos oreilles. Les riffs transmettent une aura malsaine et torturée qui sent le souffre, la musique du groupe a quelque chose de rampant qui la rend d'autant plus inquiétante et singulière. "Mouth Of The Deep" se montre plus agressif et sort les bons gros blasts sur une bonne partie du morceau, pourtant il trouve le moyen d'être aussi un des titres les plus expérimentaux avec les structures les plus alambiquées et les sonorités les plus tordues. Si "Formløse Stjerner" est un album intense, complexe et exigeant, il n'est jamais inaccessible ou épuisant pour autant, Tongues réussit le tour de force de proposer un metal extrême profond et riche sans jamais nous perdre en cours de route. Encore une fois, on sent que le travail de composition a été réfléchi et que le but était de développer des ambiances et de créer un univers cohérent au lieu de simplement multiplier les dissonances et les couches de sons comme beaucoup de disciples de Portal ou Deathspell Omega ont pu le faire. Et il nous reste une dernière surprise puisque l'album se termine sur les seize minutes du morceau-titre qui en profite pour dévoiler un visage plus doom et donc bien plus lourd. Le début du morceau nous fait d'ailleurs entendre des mélodies dissonantes mais empreintes d'une certaine beauté mélancolique du plus bel effet ! Toute la deuxième partie du morceau est d'ailleurs une montée en puissance avec des mélodies presque spatiales, là encore de toute beauté, une fin d'album surprenante mais qui marque au fer rouge et donne clairement envie de replonger dans ce deuxième album.

"Formløse Stjerner" continue sur la voie tracée par son prédécesseur "Hreilia" mais pousse tout un cran plus loin et développe encore la personnalité du groupe. Tongues y déploie des ambiances prenantes, parfois inquiétantes et noires, parfois magnifiques et presque spatiales, bref il crée son univers et nous embarque dans un voyage certes agité mais passionnant !