"A Pathway To The Moon"
Note : 19/20
Unreqvited vit dans les étoiles. Après trois années bien remplies, le musicien canadien William “Ghost” Melsness (The Ember, The Ash, H V N W R D ., Ilúvatia…) poursuit son périple avec Prophecy Productions pour la sortie de son septième album, "A Pathway To The Moon".
On notera la présence de deux invités : Benjamin V. Cooligan pour des solos de guitare, et Jamie Turton pour quelques orchestrations.
Nous sommes accueillis avec "Overture I: Disintegrate", une introduction où claviers et voix claire dansent lentement ensemble avant de s’assombrir et déboucher soudainement sur "The Antimatter", où saturation, orchestrations et hurlements viscéraux nous font plonger avec eux dans les ténèbres. Les riffs saccadés et les leads perçants laissent parfois place à une douceur inattendue et à quelques choeurs apaisants, mais ce moment se laissera à nouveau corrompre par les sonorités agressives qui tolèrent d’abord leur existence, puis qui les fera totalement disparaître pour laisser l’homme nous guider dans ses riffs lourds. On se perd dans un dernier nuage planant, puis les harmoniques nous frappent à nouveau jusqu’à ce que "The Starforger" ne prenne la suite, d’abord avec des mélodies très calmes, puis avec une certaine noirceur qui se mêle aux influences vaporeuses et créent un mélange relativement accessible et cohérent.
Après un moment de relâche, la marche reprend vers "Void Essence / Frozen Tears" qui captive immédiatement notre esprit avec sa dissonance, et qui le garde avec l’arrivée de la saturation lancinante, et des effluves vocales soit aériennes, soit viscérales qui peuplent la composition. C’est à nouveau avec douceur que nous pénétrons dans "Into The Starlit Beyond", nouvelle création éthérée qui privilégie le son clair mais qui reste toute aussi prenante que les autres, et qui s’intensifie presque imperceptiblement avant de s’embraser pour finalement laisser place à "Celestial Sleep", un court morceau reposant. Guitares et claviers s’abandonnent à la mélancolie, nous laissant ainsi reprendre notre souffle avant que "Departure: Everlasting Dream" ne se présente à nous, s’intensifiant lentement pour devenir ce mélange déchirant d’influences aussi brutes que travaillées, et qui résulte en un véritable moment hors du temps.
Comme chaque chose qu’il touche, le créateur d’Unreqvited en fait une création onirique et incroyablement transcendante. Mélanger agressivité et douceur ne date pas d’hier, mais on se souviendra d’"A Pathway To The Moon" comme d’un véritable trésor.
"Beautiful Ghosts"
Note : 16/20
Unreqvited est un one-mand band canadien qui nous livre ici son sixième album, "Beautiful Ghosts", et qui va se montrer particulier à plusieurs égards. Premièrement, il parle d'amour, ce qui vous en conviendrez est plutôt rare dans le metal, deuxièmement la musique se trouve à cheval entre le black metal symphonique, le shoegaze et le postcore entre autres. L'ouverture d'esprit sera donc exigée à l'entrée et ceux qui aiment la brutalité et la sauvagerie sont priés de fuir.
"All Is Lost" ouvre l'album et même si des hurlements se font entendre au loin, la musique est plutôt lumineuse et les mélodies sont plus porteuses d'espoir que de colère et le tout pourrait évoquer une version énergique d'Alcest. C'est le shoegaze qui prend le dessus et qui laisse au black metal les cris et certains riffs ou arpèges plus agressifs, quelques blasts se faisant aussi entendre discrètement de temps en temps. Le chant est d'ailleurs mixé très en retrait au point qu'il donne l'impression d'avoir été enregistré à deux pièces de distance. Ce sont donc les mélodies qui se retrouvent au premier plan et elles sont souvent très belles et gorgées d'émotion. On est loin du metal brutal, froid et haineux et les plus bourrins ne risquent pas de trouver leur compte par ici. Par contre, le talent de composition est indéniable, les mélodies sont pour la plupart magnifiques, les émotions explosent à chaque instant et l'ensemble tient presque du voyage onirique. Même si "Autumn Everley" laisse la place à de bons gros blasts, ce n'est quand même pas une impression de violence qui nous submerge, ce sont plutôt les orchestrations et autres arrangements qui prennent le dessus. Le contraste est d'autant plus intéressant qu'il est rarement utilisé de cette façon, ce qui donne une bonne occasion de se démarquer à Unreqvited. Il faut dire que le projet n'est de toute façon jamais vraiment rentré dans un moule et que même sur les précédents albums les frontières stylistiques avaient tendance à s'effacer. "Reverie" fait d'ailleurs le pari audacieux de couper l'album avec un instrumental très onirique justement, placé en troisième position dans la tracklist c'était risqué mais le pari est réussi.
Les choeurs fantomatiques que l'on peut entendre en support de nappes de claviers tout aussi planantes sur "Funeral Pyre" nous ramèneraient presque à une version lumineuse de Shape Of Despair. Une impression qui ne dure pas longtemps puisque le morceau part sur des structures mouvantes et un tempo changeant. Il y a quelque chose de très cinématographique dans les orchestrations de ce morceau, même de l'album en général, qui permet de véhiculer plus efficacement les émotions en leur donnant une puissance d'évocation démultipliée. En résulte une série d'images qui viennent naturellement se superposer dans votre tête à l'écoute de "Beautiful Ghosts". Le fait que les hurlements de 鬼, unique membre de Unreqvited, soient systématiquement en retrait donne d'ailleurs plus de place à ces fameuses mélodies et ajoute un côté irréel et hors du temps à ces sept morceaux. Une impression renforcée par toutes ces couches de sons qui se superposent et qui donne au tout un aspect massif qui submerge tout et crée une bulle, un monde dans lequel on se retrouve pendant un peu plus de quarante minutes. Là aussi l'impression d'un voyage onirique et intérieur est renforcée par le fait que le chant, en plus d'être en retrait, ne se manifeste pas en permanence et laisse beaucoup de place aux instruments. La plupart du temps ce sont des choeurs que l'on entend en guise de soutien mélodique, les hurlements sont plus rares et volontairement noyés dans le mix.
Unreqvited délivre avec "Beautiful Ghosts" un nouvel album envoûtant, hors du temps, onirique et assez difficile à classer. On y entend du black, du shoegaze et plein d'autres choses donc plutôt que d'essayer de lui coller une étiquette à tout prix, allez plutôt y jeter une oreille. Le voyage est assez dépaysant par rapport à ce qu'on a l'habitude d'écouter par ici mais ça vaut le coup d'essayer.
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