La review

LEZ'ARTS SCENIQUES
Complexe Les Tanzmatten - Sélestat (67)
27/07/2012


Review rédigée par Braindead


Douzième édition d’un festival dont la qualité de programmation n’est plus à démonter ; le plus grand évènement musical alsacien à n’en pas douter ; Motörhead, Gojira, Sepultura, Sum 41, Arch Enemy pour ne citer qu’eux, ont déjà foulé le sol du site des Tanzmatten. 2012 aura été un très grand cru avec l’unique date mondiale du Big 3 Of Teutonic Thrash Metal, le retour du surexcité Mike Muir et de son gang, du thrash old school ricain bien crasseux, des Frenchies bien énervés et une légende de l’indus toujours aussi mystique ; Léz’Arts Scéniques c’est du très lourd, presqu’autant qu’une choucroute aux sept viandes…
Bilan…
Dans la nature et sous un soleil de plomb (jusqu’à 34 degrés), l’ambiance champêtre est des plus agréables ; ça se presse au portillon deux heures avant l’ouverture des portes, l’occasion de rencontres et d’échanges vraiment très sympathiques pour ne pas dire fraternels ; de quoi se mettre dans le bain concernant l’esprit qui anime se festival. Quatorze heures et une insolation au compteur, les portes s’ouvrent ; l’accueil est convivial comme rarement sur ce genre d’évènement. Mes deux pass en poche, direction l’espace press ou la responsable des interviewes nous accueille avec un large sourire ; l’ambiance parisienne est loin, très loin ; aux antipodes de la disponibilité, du professionnalisme et de la simplicité qui caractérise l’équipe du fest (composée quasiment que de bénévoles). Humainement parlant, même pour un journaliste, putain que ça fait du bien !



Juste le temps de descendre une bouteille d’eau goût houblon, que le premier groupe prend possession d’une scène très impressionnante, séparée en deux, à l’image du Hellfest. FALL OF DEATH, les gagnants du tremplin Metal ont le redoutable honneur de chauffer les premiers festivaliers. Ce qui, visiblement, ne semble leur poser aucun problème. Il faut dire que les cinq locaux, malgré leur jeune âge, ont déjà remporté le Tremplin National de feu Rock One en 2008 ; remarqué par Stéphane Buriez, le combo a enchaîné les concerts aux côtés de Black Bomb Ä, Dagoba et consécration, ouvert pour Avenged Sevenfold au Zénith de Strasbourg. Une carte de visite impressionnante qui laisse augurer le meilleur pour ces cinq Alsaciens qui balancent un metalcore tout en rage et fureur. On stage, le show est maîtrisé de bout à bout, mis à part un petit coup de pompe dû à la chaleur écrasante aussitôt compensé par un duo avec Poun qui aura stimulé les premiers pogos. Une révélation ? Peut-être… une confirmation ? Sûrement…



A peine trois minutes de pause, le temps de se rendre sur la seconde scène, que MUNICPAL WASTE et leur thrash old school rempli de testostérones investissent les lieux, bien décidé à décrocher des têtes. Il faut dire que les quatre de Virginie sont des poètes nés ; Zombie, Gore et Bière tout un programme ; une certaine idée de l’American Way Of Life version Troma. Le beauf pogo devient religion l’espace d’un set calibré fest open air, spectaculaire et fun, suintant la vieille sueur d’une virilité mise en avant par des riffs assourdissants couplés à un homicide de fûts en règle ; c’est cradingue, c’est culte, le festival est lancé…



Des "Ooooh Mary, Sweet Mary my mary, Oooohhhooohhh" fusent dans le public, ne laissant aucun doute sur le groupe suivant ; les allumés de BLACK BOMB Ä sont venus défendre leur dernier opus "Enemies Of The State" en terre alsacienne et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils étaient attendus ; le show est toujours garanti, la simplicité et la proximité des Franciliens est devenue leur marque de fabrique ; voir Shaun, molosse écossais en short hawaïen, ou Poun se jeter dans le public, est une expérience à vivre. Bien que souffrant visiblement de la chaleur, nos coreux ont tout donné, une fois de plus ; respect…



Changement de style avec DESTRUCTION qui ouvre l’évènement teutonic avec leur thrash trentenaire qui n’a pas pris une ride. La carrure imposante de Schmier, un Mike proche de la transe et un Vaaver toujours aussi explosif force le respect. Le show est intense ; l’expérience de la scène d’un charismatique combo qui n’est pas près de raccrocher. Le thrash allemand est toujours aussi vivace.



Place aux énervés et néanmoins très populaires LOFOFORA que l’on ne représente plus. Vingt-trois ans au service d’une fusion revendicative qui fédère aussi bien les métalleux pure souche que les keupons et coreux de tous poils. Il faut dire que le charisme de Reuno n’a pas changé d’un yota, ni ses prises de position plus que jamais d’actualité. Possédant une des voix les plus intéressantes de la scène fançaise, l’icône harangue la foule sur des sujets d’actualité et trouve naturellement réponse auprès d’un public décidément très empathique en ce début de festival. C’est simple, aussi direct qu’un uppercut, LOFO plus en forme que jamais chauffe la pelouse, en témoigne Daniel, totalement en transe derrière sa gratte et un Phil Curty a l’air grave et offensif. Rares sont ceux qui peuvent prétendre avoir vu un mauvais show de LOFOFORA et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer tant le quartet semble plus incisif que jamais.



Place au deuxième groupe teuton en la personne des poétiques SODOM, tout un programme et situation stratosphérique que de voir cette quinqua alsacienne reprendre en cœur "S-O-D-O-M-Y". Le trio de Gelsenkkirshen, malgré de nombreux changements de line-up jouissent toujours d’un capital sympathie assez énorme après 31 ans passés à défendre les couleurs du thrash. Makka est en forme olympique, Bernemann tout sourire avec sa longue chevelure blanche fait des va-et-vient pour le plus grand plaisir des fans venus en masse. Le professionnalisme et l’humilité de ces "anciens" est vraiment admirable et devrait inspirer nombre de jeunes formations pas toujours très respectueuses.



S’il y a un groupe dont la réputation en live n’est plus à faire, c’est bien FINNTROLL ; n’ayant jamais eu la chance de les voir, j’attendais cette occasion depuis des semaines. Légère déception tout de même, non pas que les Finlandais soient mauvais, le mélange couillu black / polka étant des plus intéressants, mais sur scène en revanche, je ne sentais pas le combo au maximum de ses possibilités, pour être poli, Vreth et sa horde semblaient parfois s’ennuyer… et nous avec. Depuis quelques années, FINNTROLL explore une face plus sombre dans ses albums et le résultat s’en ressent sur le côté festif. Disons que le black et la canicule ne font pas bon ménage ; au plaisir de les découvrir une seconde fois pour me forger une opinion.



S’il y a bien un frontman que la chaleur n’effraie pas, c’est bien Mille Petrozza leader des mythiques KREATOR, plus virulent que jamais malgré un embonpoint qu’il n’avait pas lors de notre dernière rencontre. La scène a été entièrement transformée aux couleurs de "Phantom Antichrist", leur dernier et très bon album. Autant dire que nous avons assisté à un vrai show, musclé et spectaculaire comme les Allemands savent si bien le faire. Mille se serre de sa Jackson comme fusil ou jongle avec, la double caisse de Ventor résonne à faire exploser toute fréquence cardiaque. Le combo trentenaire assume son statut de leader du thrash allemand ; du très grand KREATOR qui nous ont offert un concert à part entière sous l’ovation d’un public beaucoup plus nombreux qu’en ce début d’après-midi.



Les derniers riffs résonnent, que bandanas et autres casquettes à l’effigie du plus grand groupe de groove metal de tous les temps se pressent contre les barrières. Mike Muir et son crew viennent déménager Sélestat avec leur heavy punk core survolté. Un show de ST n’est jamais un simple live, mais une expérience à vivre au moins une fois pour tous les fous furieux qui se respectent. Pour les photographes Mike Muir reste en revanche un cauchemar tant le lascar est insaisissable, visite la scène sous tous les angles aussitôt imité par Mike et Dean. Steve, pardon, Monsieur Brunner, bassiste magnifique qui n’a rien à envier à Trujillo et pour qui le groove n’a plus de secret, pose avec sa gratte monstrueuse aux cordes phosphorescentes. Difficile d’imaginer que le gang de Venice fête ses trente de carrière tant le show est explosif ; assurément un des meilleurs du festival avec pour conclusion le traditionnel envahissement de scène. Un grand moment qui laisse une partie de l’assistance KO.



La tension va pourtant monter d’un cran ; les backliners s’affairent aux derniers réglages d’une scène qui va accueillir une légende en la personne d’Al Jourgensen, leader et membre fondateur de MINISTRY, le groupe qui a trainé plusieurs générations de combos indus derrière lui, fait son grand retour après de nombreux problèmes de santé qui ont entraîné l’arrêt du groupe pendant trois ans. Mais le bougre, grand contestataire devant l’éternel a repris du service armé d’un nouvel album, "Relapse", plus hard qu’à l’accoutumée. Et accueilli chaleureusement par la presse. L’urgence sociale et économique aura eu raison des sages résolutions d’un frontman aussi mystique qu’accessible. L’intro résonne sur la projection d’un clip expérimental où l’on peut observer Al parler entre autres de personnalités américaines, mais me trouvant à proximité des enceintes, le son est particulièrement fort et donc quelque peu inaudible. MINISTRY déboule enfin sur scène, le climax est lourd, les lights vraiment superbes. Jourgensen semble en petite forme (sentiment confirmé le lendemain au Bataclan avec un concert annulé au bout de 45 minutes), une démarche hésitante, une voix éraillée, l’image d’Ozzy, père de tous les excès n’est pas loin. Et pourtant quel show ; les titres phares y passent, "No W", "Just One Fix"… le tout entrecoupés de missiles anti-capitalistes, anti-Bush, "This stupid person…" dixit le grand manitou de la provocation sous les regards un brin soucieux de Mike et Tommy. Le show se déroule dans une ambiance survoltée, voire de transe, pour un public empathique et très en forme malgré l’heure tardive. Le magnétique frontman termine en venant à la rencontre de ses fans ; images émouvantes d’un personnage qui a vécu bien des choses et qui le paie maintenant.



Cette première journée se termine avec NEW MODEL ARMY, référence d’un punk rock anglais plus musical que réellement agressif. Le style dénote surtout après le passage des deux groupes précédents, mais l’ensemble permet de clore la soirée calmement grâce aux connotations très rock folk de la bande à Justin Sullivan. Une setlist mélangeant morceaux planants et explosions sonores, soutenue par des lights décidément très inspirées. Conclusion musicale plutôt inattendue mais de grande qualité comme le reste d’une programmation qui aura misé sur l’expérience d’icônes du metal.



Léz’Arts Scéniques a rempli son contrat ; offrir au Grand Est une affiche metal digne de ce nom ; la proximité des groupes (séances de dédicaces, interviews…), la bonne humeur d’une équipe qui ne s’est jamais laissée déborder et qui a su en tout cas, garder le sourire, ont contribué depuis 2001, au succès d’un festival qui mérite vraiment le détour. A vérifier en 2013 pour une nouvelle édition qui sera, à n’en pas douter, aussi recherchée, l’occasion d’un week-end dans une région vraiment magnifique, ce qui rajoute au plaisir du séjour.