Interview faite par mail par Rm.RCZ

Megaherz est l’un des leaders indiscutés du Neue Deutsche Härte depuis désormais plus de vingt ans. Si tout devait s’arrêter aujourd’hui, qu’aimerais-tu que l’on retienne de Megaherz ?
Lex Wohnhaas (chant) : Sans hésitation, je te répondrais nos chansons. Je pense que tout le reste n’a pas d’importance. Tant que l’œuvre survie, l’artiste ne tombe pas dans l’oubli. Alors, tant que nos chansons résonneront, le nom "Megaherz" ne tombera pas dans l’oubli.

Cela fait également plus de vingt ans que Megaherz exerce son art dans la langue de Goethe...
Evidemment, le choix du dialecte est l’un des choix cruciaux de la carrière d’un groupe. Et personnellement, je ne me voyais pas m’exprimer mieux que dans ma langue maternelle. L’une de nos principales motivations dans la composition avec MEGAHERZ est justement que nous écrivons en allemand et non en anglais. Lorsque MEGAHERZ a sorti ses premiers albums, la mode en Allemagne était de chanter en anglais, presque tous les groupes chantaient en anglais. Alors, inutile de t’expliquer à quel point nous sonnions exotique car nous chantions en allemand ! (rires) Quoi qu’il en soit, il est vrai que notre langue maternelle a toujours eu une importance considérable dans notre musique. Et je t’avoue que voir des fans venus du monde entier reprendre nos refrains et chanter en allemand durant nos concerts est notre petite fierté.

Le précédent album de Megaherz, “Zombieland”, est sorti il y a désormais quatre ans. Celui-ci avait divisé votre fan-base à sa sortie. Comment perçois-tu cet album aujourd’hui ?
Avec “Zombieland”, je pense que c’était la première fois que nous cassions notre étiquette de “groupe de Neue Deutsche Härte” et que nous affirmions que MEGAHERZ avait d’autres potentiels musicaux. Les titres de cet album sont bien plus mélodiques que ceux de "Heuchler" (sorti en 2008) ou de "Götter Dämmerung" (Ndr : sorti en 2012) par exemple. De plus, c’était également la première fois que j’explorai d’autres facettes de mes capacités vocales ainsi que des aspects que je n’osai pas exploiter auparavant. Quoi qu’il en soit, et aussi surprenant que cela puisse paraître, l’album a été extrêmement bien reçu par nos fans. Bien évidemment, certains ont dit que “Zombieland” ne sonnait en rien comme MEGAHERZ, et je les comprends. Mais c’est ce à quoi chacun s’expose lorsqu’il essaie de proposer quelque chose de nouveau ou de sortir de ses chemins battus. Aujourd’hui, je n’ai d’ailleurs pas peur d’affirmer que, presque paradoxalement, “Zombieland” est de loin l’album de MEGAHERZ qui a connu le plus grand succès. Certains titres, comme "Für Immer" et "Himmelsstürmer" sont des classiques que les fans nous réclament à chaque concert.

"Komet" est votre neuvième album. Qu’est-ce qu’un neuvième album représente pour Megaherz ?
Eh bien, je ne sais que dire, si ce n’est que nous sommes toujours affamés, que nous en voulons toujours plus. Nous cherchons toujours à nous produire sur de nouvelles scènes du monde entier, de nouvelles expériences et bien évidemment, de nouveaux fans. Peut-être que même après plus de vingt ans d’existence nous avons toujours quelque chose à prouver, je ne sais pas. De toute façon, nous avons au moins quelque chose à prouver à nous-mêmes : que nous pouvons toujours écrire des titres qui dégagent quelque chose et qui bottent des culs.



Mais alors, musicalement, comment créer un album de Neue Deutsche Härte qui botte des culs comme "Komet" ?
Je ne sais pas s’il y a des règles bien déterminées pour faire un "pur“ album de Neue Deutsche Härte. Disons que nous combinons des riffs de guitares bien lourds avec des parties électroniques que nous adorons tout autant. D’ailleurs, avec "Komet“, les mélodies et les guitares lourdes ne sont pas exclusives, au contraire elles se complétent et donnent une énergie et une sinergie propres à l’album. Les titres de "Komet“ sont certainement les plus puissants mais également les plus touchants émotionnellement que MEGAHERZ a pu créer. C’était quelque chose de très important pour nous que "Komet“ reflète ces deux faces de MEGAHERZ.

Comme tu viens à peine de le dire, "Komet“ est un album qui laisse une place non négligeable à l’émotion. D’ailleurs, ta voix n’y est pas étrangère...
Merci pour ce compliment ! J’essaie toujours d’améliorer mes lignes de chant. Et, le fait que globalement MEGAHERZ devienne de plus en plus mélodique m’ouvre, bien évidemment, de nouvelles possibilités. C’est ce qui m’avait frappé sur "Zombieland“, cette sensation d’avoir davantage "carte blanche“. "Komet“ suit exactement la même voie et la même voix. Toutefois, certains titres de "Komet“ sont extrêmement personnels comme "Von Oben“, "Nicht Genug“ ou encore "Heldengrab“. Et lorsqu’un titre m’est personnel, naturellement, je fais de mon mieux pour lui inculquer l’émotion que les paroles nécessitent. Quelque fois, il s’agira d’y mettre une voix puissante, d’autres fois il faudra une voix plus discrète et tremblante.

"Komet“ est vraiment très proche de l’album précédent, "Zombieland“. Peut-on laisser entendre que "Komet“ est donc l’évolution musicale logique de "Zombieland“ ?
Dans un sens, oui. Mais je pense que "Komet“ est bien plus que cela. "Komet“ mélange d’un côté ce que nous avons commencé avec "Zombieland“ et de l‘autre tout ce qui rend MEGAHERZ si spécial depuis ses débuts. "Komet“ est bien plus politique que ce que nous avons pu proposer par le passé. Des titres comme "Horrorclown“, "Schwarz Oder Weiß“, "Heldengrab“ ou encore "Nicht In Meinem Namen“ en appellent au bon sens civil, de s’alarmer contre la montée des populisme et de trouver le courage de changer les choses dans le futur en affrontant les craintes du passé.

Pour continuer ton propos sur les textes de "Komet“, l’album oscille entre titres très personnels et titres politiques !
C’est quelque chose que je ne planifie pas vraiment lorsque j’écris. Lorsque que je pose mes mots, mes textes, c’est avant tout un besoin d’extérioriser ce que je ressens. Et il se trouve que ce qui ressort de "Komet“ est cet aspect fortement personnel et politisé. Tout simplement car c’est ce que mon inspiration actuelle m’amène à écrire. Mais malgré tout, même si l’aspect des choses est réellement terne ou sombre, j’essaie toujours d’y trouver une approche positive, toujours à la quête d’une solution. Sur le côte très personnel de "Komet“, un grand nombre de titres sont autobiographiques, inspirés par des expériences personnels ou par mon vécu. Et quand bien même j’essaie de trouver des métaphores afin que chacun puisse s’approprier et s’identifier à mes textes, je n’ai pas peur d’exposer mes sentiments ou mes émotions. J’essaie toujours d’être sincère par mes textes car l’inverse serait ne pas être honnête avec le public mais surtout avec moi. Sur le côté très politique de "Komet“, c’est une première pour MEGAHERZ. Mais après tout, nous les artistes devont décrire et repenser notre réalité, non ? Et actuellement, que ce soit avec Trump, Erdogan ou encore le Rassemblement National, les mouvements populistes gagnent du terrain et de la légitimité partout à travers le globe. C’est un fait qui nous effraie tous au sein de MEGAHERZ, et pas uniquement au vu de l’histoire de notre pays. Nous savons où tout cela peut mener et cette situation n’augure rien de bon. Un peuple appeuré est facile à manipuler. Il en va de notre rôle d’incarner une résistance face à ceci. En tant qu’artiste, nous avons la parole et MEGAHERZ compte bien s’en servir. Et c’est certainement pour ces convictions que les textes de "Komet“ sont si forts.



La pochette de l’album est également pleine de conviction et laisse penser à une espèce de propagande du temps de l’URSS. Pourquoi ce choix ?
Pour nous, l’époque mais aussi l’imagerie de la conquête spatiale par les soviétiques, de Sputnik à Gargarin, est quelque chose de passionnant et de réellement positif. Ces années symbolisaient le futur, le progrès, la perspective d’un être humain tourné vers le futur. Cela a montré ce dont les gens étaient capable si ceux-ci souhaitaient achever quelque chose d’extraordinaire tous ensemble avec courage et dextérité. A l’époque de Jules Vernes, la course vers la lune était une pure fantaisie. Moins d’un siècle plus tard, Gargarin fut le premier à voler dans l’espace. Plus tard, Neil Armstrong prouva que les humains étaient capables de grands accomplissement s’ils croyaient en leurs rêves. Et avec cet artwork, c’est ce que nous voulions relater : l’idée de la persévérance des peuples pour atteindre leurs rêves.

Au passage, pourquoi avoir choisi “Komet”, le titre éponyme comme single de cet album ?
Simplement car “Komet” est l’un des titres forts de l’album, que ce soit musicalement ou vis-à-vis de son message. D’ailleurs, je pense que les paroles de cette chanson reflètent parfaitement l’esprit de l’album : laisser le passé là où il est, c’est-à-dire derrière nous. Tourner la page, la brûler si nécessaire. Le tout pour se concentrer vers l’avenir et les nouvelles expériences que demain peut amener. En d’autres mots : ne pas avoir peur du changement et oser.

Quoi qu’il en soit, "Komet" existe également dans une édition bonus contenant un CD live. Pourquoi un tel choix ?
Il y a deux ans, nous étions invités par Unheilig pour ouvrir sur les dates de leur tournée d’adieu. C’était une expérience excellente ! Nous avons rencontré des personnes exceptionnelles et nous avons eu l’opportunité de nous produire sur de grandes scènes. Et je pense que la meilleure façon de rendre toutes les émotions et sensations que nous avons pu vivre durant cette tournée était d’immortaliser notre performance au Zenithhalle de Munich. C’est donc ce concert qui est présent sur l’édition deluxe de "Komet". Par ailleurs, outre la setlist live interprétée ce soir-là, cette version contient un titre inédit : "Invincible".

En parlant de vivre des concerts de Megaherz, vous verra-t-on par chez nous pour défendre "Komet" ?
Pour la première fois de la carrière de MEGAHERZ, nous avons reçu des propositions venant de France. Alors disons que nous sommes en pleines négociations et que nous serions vraiment heureux si tout cela se concrétisait. Nous avons donné de nombreux concerts en Russie, en Chine ou encore en Norvège. Alors pourquoi pas en France ?

Comme le veut la tradition, je te laisse les derniers mots...
Mieux vaut regarder droit devant avec courage et se tourner vers tout ce que l’on peut accomplir plutôt que de se contenter de vivre dans le passé paniqué par l’idée de tout ce que nous n’avons pas réussi à faire. La peur n’est jamais un bon guide. Tournons-nous vers l’avenir !


Le site officiel : www.megaherz.de